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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juin 1847

Mercredi matin, 16 juin [1847], 8 h. ½

Bonjour, mon Victor, toujours plus grand, toujours plus généreux, toujours plus beau, et toujours plus adoré, bonjour et merci. Que je regrette de ne pouvoir pas te donner toute ma vie en une fois pour te prouver à quel point je t’admire et je t’aime. Je souffre de ne pouvoir pas utiliser tant de bon amour pour ton service. J’en veux au bon Dieu de ne pas m’en donner l’occasion, je suis humiliée dans le plus saint et le plus tendre de mon ambition. C’est une injustice que je ferai valoir quand il s’agira de régler mes comptes avec lui dans le ciel. En attendant, il faut que je me résigne à t’aimer pour moi seule, ce qui ne me satisfait qu’à moitié.
J’irai te chercher tantôt à la Chambre par l’itinéraire convenu. Je t’attendrai à Saint-Sulpice parce que je ne veux pas m’exposer à me faire dire par ces dames Féau : — Le vilain rossignol, comme il est ennuyeuxa et comme il chante mal. Et d’ailleurs moi-même, je suis lasse de ces stations fréquentes et prolongées chez les meilleures mais les plus agaçantes des femmes : faut des Féau, pas trop n’en faut, bénies en tout et sans défaut.
Mon bien-aimé Victor, mon sublime bien-aimé, mon cœur déborde d’amour et d’admiration pour toi. Je voudrais baiser tes pauvres petits pieds [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 126-127
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».


16 juin [1847], mercredi soir, 9 h. ½

Mais il n’est pas sûr du tout que je veuille échanger mon bonhomme contre celui d’aujourd’hui, et cependant je tiens à ne pas faire ma commission pour rien.

[Dessins représentant, sous forme allégorique, l’automne, l’hiver, le printemps, l’été.]a

Je veux au moins vingt sous par tête. C’est bien le moins, surtout si je réussis. Je n’accepte pas du tout votre faux-semblant de générosité de tantôt pour argent comptant. Je veux des espèces sonnantes et ayant cours, sinon je garde les quatre saisons pour moi. Cela fera très bien dans mon jardin ou ailleurs.
Vous aurez la bonté de me dire quelle était la dame en chapeau qui vous attendait sur votre balcon. Je ne serais pas fâchée de le savoir afin de vous retirer ma natte à lit [1], si je le juge à propos. Je n’ai pas besoin de vous donner mes affaires si vous en avez d’autres, affaires et d’autres femmes. C’est bien le moins que, vous payant, je vous aie à moi toute seule. Je vous conseille de vous en tenir à moi si vous tenez à vous car je suis très décidée à vous faire passer le goût du pain, qui est très cher dans ce moment-ci comme vous savez [2], plutôt que de vous céder à aucune femme et pour quelque prix que ce soit. Pensez-y et ne vous exposez pas à la tentation.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 128-129
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) Dessins :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1Mystérieux objet de dispute amoureuse, sur lequel Juliette revient à cette époque.

[2En 1847, les faillites se multiplient, de nombreuses actions sont à la baisse, le chômage se généralise, les prix augmentent.

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