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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 30 octobre [18]64, dimanche matin, 7 h. ¼

Bravo, mon cher petit pionceur, bravo et merci pour toi et pour moi de bien dormir et de te tenir chaudement dans ton bon petit lit. Cela est d’autant plus nécessaire que Gore te forcera à déguerpir demain matin dès patron-minette. En attendant tu fais bien de ronronner aujourd’hui le plus longtemps que tu pourras. De mon côté, je me goberge dans une douce quiétude, dans ma belle SAMBRE, au fond de mon beau lit, d’où je te gribouille toutes ces belles choses, en t’aimant par dessus mon âme, pendant que mes servardes se dépêchent de faire leur ménage en gros pour aller plutôt à la messe. À propos de servantes, Elisabeth ne couchera près de moi que demain lundi parce qu’il y a un petit déménagement à faire du lit de sangle qui est dans le grenier (en assez mauvais état à ce qu’il paraît) dans mon cabinet de toilette. Mais tu peux être tranquille, cela se fera demain. Quant à ton café, il y en a une bouteille prête que tu pourras emporter ce matin. J’espère que tu le trouveras assez bon pour la première fois, mais dès demain il sera plus corsé en raison du marc qu’on aura fait bouillir aujourd’hui. Je te raconte tous ces cancans de ménage pour faire litière à mes tendresses comme le foin qu’on met entre les choses précieuses qu’on expédiea à distance. Autrement je ne te dirais que ce seul mot indéfiniment répété : je t’aime, je t’aime, je t’aime. Mais ce pâté d’anguille dont mon cœur ne se lasse pas pourrait bien amener la satiété dans le tien et voilà pourquoi je m’efforce de bourrer ma restitus de tout ce qui me tombe sous la plume dans l’espoir que tu t’apercevras moins de la monotonie de mon menu. Cher adoré, souris-moi, aime-moi et sois-moi bien fidèle pour que ton vœu et le mien se trouvent exaucés le même jour, à la même heure et pour l’éternité.

J.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 221
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « qu’on expédient ».

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