15 novembre [1838], jeudi soir, [7 ?] h. ¾
Je t’aime, mon bien aimé, c’est toujours par là que je commence mes lettres et que je les finis. C’est aussi par là que je commence toutes mes pensés, toutes mes actions, et j’espère finir ma vie par là, si l’âme ne survit pas au corps.
Pauvre ange adoré, tu as été ineffablement bon toute la journée, je ne sais comment te dire combien je suis touchée et comblée de ton admirable douceur. Mon Dieu que c’est [vrai ?] et que je m’en veux de ne pas te l’exprimer aussi bien que je le sens.
J’ai reçu une lettre de Mme Guérard, elle paraît très inquiète de ma brusque disparition de la loge l’autre soir, elle semble craindre que ce ne soit à cause d’elle parce que je ne t’aurais pas averti que je lui donnais des places dans ma loge. Sa lettre est vraiment gentille, je compte bien lui répondre une bonne petite lettre qui vous laissera blanc comme neige tout en lui ôtant ses craintes absurdes.
Donne ta bouche mon beau Toto, que je la baise et que je laisse tomber dedans avec mes baisers tout l’amour que mon cœur contient.
C’est bien décidément 6 F. les deux bijoux en question car on m’a rapporté la boucle d’oreille tout à l’heure, et j’ai dit à la polisseuse qu’on aurait dû me donner le tout pour 9 F. Elle a répondu que c’était impossible, qu’on me l’avait laissé au meilleur marché possible. Je les ai mis ce soir pour vous faire honneur, mon cher petit homme ravissant.
Il paraît que vous avez eu à faire, mon bien-aimé, et que je ne vous verrai que ce soir bien tard ? Je me résigne avec la charmante certitude que je vous aurai à souper. C’est si bon mon cher petit homme de vivre avec vous, c’est si doux que je ne connais rien au-dessus de cela dans ce monde-ci, et que je ne souhaite rien autre chose dans l’autre. Je t’aime mon Toto, je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16336, f. 148-149
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette