Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Janvier > 6

6 janvier [1839], dimanche après-midi, 1 h. ¼

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme. Je t’aime, je suis heureuse car il me semble que tu ne peux pas en douter. Je t’écris sur le papier de Mme Krafft parce que je n’en ai pas d’autre dans ce moment-ci, mais pour peu que ça te contrarie, je ne m’en servirai plus. J’ai encore beaucoup souffert cette nuit et, à l’heure qu’il est, je ne peux pas me redresser des douleurs que j’ai à l’estomac. Si cela ne se passe pas, je serai obligée de consulter mon médecin pour savoir ce qu’il y a à faire pour me débarrasser de ces douloureuses et laborieuses digestions. J’aime mieux mourir que de renoncer volontairement à mes bons petits soupers. Ainsi, ne va pas te prévaloir de ça pour ne pas venir, parce que tu me ferais plus de mal que de bien. Il vaut encore mieux soigner le cœur que l’estomac, l’âme que le corps. C’était si bon et si admirablement ravissant notre après-souper de cette nuit que, dussé-jea avoir trente mille indigestionsb les unes sur les autres, je n’y renoncerai pas. Jour, Toto, je t’aime, jour, mon chéri, je t’adore. J’espère que votre ROUBLARDITÉ vous aura empêchéc d’aller cette nuit au bal de l’opéra et qu’elle sera cause que vous m’aimez autant que je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 19-20
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « dussai-je ».
b) « indigestion ».
c) « empêcher ».


6 janvier [1839], dimanche soir, 11 h. ½

Bonsoir, mon cher petit bien-aimé, je t’aime. Il y a déjà longtemps que je suis seule, mais j’avais à compter la dépense de la bonne et à apprêter les affaires de Claire pour demain matin. Je t’écris maintenant à tête reposée et à cœur que veux-tu. Ce que je veux, je le sais bien, c’est toi, mon adoré, mais toi à discrétion et à pleine bouche. J’ai regretté ce soir que ces femmes, qui sont très bonnes du reste, m’aient privé du plaisir de souper avec toi. Vois-tu, mon adoré, ce que je te dis, c’est la vérité du bon Dieu. Je n’ai de plaisir, de joie et de bonheur qu’en toi. Aussi, chaque fois que je manque l’occasion d’une de ces trois bonnes choses de la vie, je ne m’en console pas. Je ne sais pas si Mlle François a été aussi dupe que moi de ces peaux de lapins mais elle en a parua très vexée. Au surplus, l’affaire est arrangée : elle reprend son manchon. C’est 10 francs que nous perdons, mais dans cette affaire-ci c’est : à qui perd gagne. Les 150 francs du manchon seront en déduction de la dette. Somme toute, c’est mieux ainsi, et puis je t’aime, et tu es ma joie, mon bonheur, et ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 21-22
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « parue ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne