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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er février 1839

1er février [1839], vendredi, midi ¾

Bonjour mon petit homme chéri. Ce n’est pas pour me punir d’un tort involontaire que tu n’es pas venu ce matin, n’est-ce pas mon adoré ? Le cœur ne doit pas être responsable des fautes de la tête. Hier j’étais toute préoccupéea de Joly. La présence des petits enfants mêlée à cela m’a ôté la mémoire tout à fait. J’en ai été plus punie que toi, c’est bien sûr. C’est la première fois que ça m’arrive et ce sera la dernière, je l’espère, mais vous, mon Toto, vous auriez dû venir malgré cela. Je ne fais pas aussi bon marché de notre bonheur, moi, et si j’avais été à votre place, je serais revenue cette nuit plus amoureuse que jamais. Au reste, je ne dois pas attribuer ton absence ce matin à mon défaut de mémoire puisque c’est à peu près tous les jours de même. Ce qui est bien plus vraisemblable et bien plus vrai, c’est que tu auras travaillé cette nuit comme un pauvre chien, que tu auras eu froid et mal à tes beaux yeux adorés. Voilà ce qui n’est que trop sûr. Seras-tu moins [poussé  ? pressé  ?] par le travail la nuit prochaine, voilà ce que je désire de toutes mes forces et de toute mon âme, parce qu’alors j’espère que tu viendras et que nous serons très heureux de notre amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 115-116
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
a) « préocupée ».


1er février [1839], vendredi après-midi, 1 h. ¼

Voici ma dette, mon Toto. J’ai été bien attrapéea et bien fâchée hier de ne vous l’avoir pas payée car c’est une petite contribution de papier, de plume et d’encre et d’amour que je vous paie avec bien de la joie. Aussi ai-je été punie cette nuit par où j’avais péché. Je suis bien sûre que cela ne m’arrivera plus jamais. J’ai mes comptes de fin de mois à faire ce soir, plus les comptes de fin d’année si j’ai du courage, du cœur et du temps. Cependant, si vous veniez me chercher pour faire une ORGIE, je suis femme à tout quitter pour vous suivre. J’ai beaucoup pensé cette nuit à la proposition du théâtre pour le rôle de la REINE et, en vérité, je n’ose pas me décider à le jouer dans le cas où la maladie de Mlle Beaudoin se prolongerait assez pour donner le droit de prendre possession du rôle. La position fâcheuse et exceptionnelle dans laquelle je me trouve à ce théâtre, le mauvais vouloir du Villeneuve, la nonchalance et l’incapacité de Joly, pour ne rien dire de plus, tout cela me fait craindre de commencer mes débuts par doubler Mlle Beaudoin dans un rôle où elle a été acceptéeb du public. J’ai peut-être tort mais comme c’est de moi et de mon avenir dont il s’agit, il faut que ce tort soit bien enveloppé de raison pour que je l’accepte et refuse la proposition de ces messieurs car ici c’est encore Villeneuve qui fait parler Joly. Je te demande pardon mon adoré de mêler mes affaires à une lettre d’amour mais tu te souviens que c’est la lettre que je devais t’écrire hier et elle n’a fait que rester depuis. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16337, f. 117-118
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
[Massin]
a) « attrappée ».
b) « accepté ».


1er février [1839], vendredi soir, 6 h. ½

Je n’oublie pas de vous écrire aujourd’hui, mon Toto, mais vous, vous oubliez de venir. Vous pensez bien que je ne le remarque pas pour Mme Pierceau dont je me moque, au moins pour le plaisir que j’y trouve car pour elle, la pauvre femme, est digne de tout intérêt. Aussi, je ne regrette pas de n’être pas allée chez elle mais de ne pas vous avoir là à baiser et à tamponner. Il fait d’ailleurs un temps de loup et j’ai mes comptes à faire. Mais vous, vieux bêtaa, ce que vous auriez de mieux à faire de ce temps-ci, ce serait de venir sécher vos chers petits pieds au coin de mon feu. Je vous passerais la main dans les cheveux et ce serait très i. Je vous aime, mon petit homme, mais vous ne venez pas assez. Ma vertu n’est pas du tout récompensée. Vous êtes une vieille bête. Je te consulterai sur la réponse à faire à Mme Guérard. D’abord, pour le déjeuner, il n’y a pas mèche parce que c’est ce jour-là, le dimanche, que tu viens le plus volontiers et je ne veux pas être dérangée et encore moins déjeuner avec un tiers. Quantb au soir, tu décideras. Soir pa. Je t’adore, mon cher petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 119-120
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « betat ».
b) « Quand ».

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