Guernesey, 15 janvier 1856, mardi après-midi, 3 h.
Bonjour, mon très bien-aimé petit homme, bonjour, je t’adore. Figure-toi que depuis hier au soir, j’avais une crainte vague que tu ne sois malade. Mlle Boutillier m’ayant dit que ton Martin [1] avait la petite vérole et me rappelant aussitôt que tu y avais passé la soirée il y a quatre jours je me suis mise martel en tête toute la nuit. Il me semblait que tu m’avais quittée souffrant. Enfin je me suis ingérée d’être très malheureuse jusqu’à l’arrivée de Mlle Allix, laquelle m’a rassurée tout de suite en me disant que tu étais très gai et très bien portant hier au soir à onze heures. Elle m’en a dit autant de toute la famille, de sorte que je suis tout à fait tranquille maintenant. Cependant, mon petit homme, tu feras sagement de ne pas aller dans la maison du malade et d’empêcher tes enfants d’y aller de leur côté. La petite vérole est essentiellement contagieuse comme tu le sais, il est donc parfaitement inutile de t’y exposer sans motif sérieux. Voilà, mon adoré bien-aimé, ce que je te recommande de toutes mes forces car je ne sais pas ce que je deviendrais si tu étais jamais malade loin de moi. Rien que d’y penser, la tête et le cœur me font mal. Aussi soigne-toi bien, mon bien-aimé, ne fais pas d’imprudence, conserve bien ta santé qui est ma vie et ma joie.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16377, f. 18
Transcription de Christelle Rossignol assistée de Chantal Brière