Guernesey, 30 avril 1857, jeudi soir, 7 h.
Cher petit homme, on dirait que le diable se mêle de mes affaires à voir le persistant guignon que j’ai chaque fois que tu fais une courte apparition chez moi. Dorénavant je prendrai le parti de ne recevoir personne, dussé-jea passer à l’état de Chodruc-Duclos [1] et remplacer toutes les pièces de ma garde-robe par le premier Guernesey de Marquand. De cette façon, je ne risquerai plus de perdre l’occasion de te voir pour une couturière plus ou moins inexacte. En attendant voilà bien longtemps que je ne te vois plus entre quatre ZIEUX, ce qui ne fait pas le compte de mon cœur, sans parler de vos visites régulières à la poste les jours de packet [2]. Tout cela me met martel en tête et un peu de noir dans l’âme. Cependant je ne veux pas vous ennuyerb outre mesure de mes désappointements et je me hâte de rentrer dans la restitus couleur d’amour. Cher adoré, tu es bon, tu es grand, tu es beau, tu es sublime mais je t’aime encore plus que tu n’es… te voilà ! Quel bonheur, la suite de mon cœur à demain.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 72
Transcription de Chantal Brière
a) « dussai-je ».
b) « ennuier ».