Paris, 30 août [18]73, samedi, midi ¾
Rien ne peut t’empêcher de sortir et de travailler, mon grand bien-aimé, pas même l’affreux temps qu’il fait aujourd’hui. Quant à moi, je ne sais plus et je ne peux plus que t’aimer. Tout le reste m’est une fatigue et un ennui. Je pense avec une sorte de chagrin à la promesse que je t’ai faite d’écrire à Mme Chenay. Je voudrais ne pas y manquer et pourtant je ne sais pas comment je ferai pour la tenir. J’aimerais mieux je crois faire dix fois de suite le tour du lac à pied que d’entreprendre cette difficile besogne, écrire à une personne qui ne m’est rien moins que bienveillante. Enfin je tâcherai de triompher de ma lâcheté si je peux d’ici à ce soir. En attendant je fais contre fortune bon cœur en écrivant sous la dictée de Mariette son épopée de choux, de carottes et de haricots verts. Au moins avec elle je peux avoir les ortographesa les plus fantaisistes sans qu’elle réclame et qu’elle s’en moque. Ah ! Dieu ! Quelle corvée j’ai acceptée là et quelle imprudence ! Si on m’y rattrape je veux bien que le loup me croque, quitte à y laisser tous ses chicots de loup.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 253
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette
a) Nous laissons la faute, manifestement volontaire.