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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 septembre 1861, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher adoré et à bientôt car il me semble que tu es déjà sur pied tout habillé et prêt à sortir. Est-ce que tu as passé une mauvaise nuit mon pauvre bien-aimé ? Mais non, car tu viens de me faire un signe joyeux qui me rassure presque. Cependant je ne serai tout à fait tranquille que lorsque je t’aurai vu de tout, tout près. Jusque là je tâche de me figurer que ton lever matinal ne se rattache en rien à la triste crise d’hier au soir. Je donnerais toutes mes nuits à venir pour payer ton bon sommeil de cette nuit. Hélas ! je ne sais pourquoi je crains que tu n’aies pas dormi de la nuit et je m’en veux jusqu’à la mort de t’avoir tourmenté presque autant que je l’étais moi-même. Il me semble aujourd’hui que j’étais folle hier, qu’il est impossible que tu me trompes vilainement, sous mes yeux et sans aucune espèce de pitié. Je sais bien que le cœur et les sens ont leurs besoins et leurs caprices mais ils ne doivent pas se satisfaire aux dépensa de tout ce qu’il y a de plus sacré, de l’amour et de la confiance de l’autre être qui aime honnêtement et vertueusement sans se laisser distraire une seconde de cette adoration intime de l’âme. Je me dis tout cela ce matin mon adoré, avec la conviction profonde que c’est la sainte vérité jusqu’à présent et avec l’espérance que ce sera toujours ainsi jusqu’à notre mort et pendant l’éternité mais……… si ton cœur faiblissait, si tu te sentais jamais attiré par un autre amour, je te supplie, je te le demande aux noms de tout ce que tu vénères en cette vie et dans l’autre, au nom de ta croyance, aux noms de ta fille et de la mienne, je te supplie de me le dire. Ton honnêtetéb me donnera peut-être le courage de mon malheur mais ta duplicité me désespéreraitc, je le sens, jusqu’à la folie la plus terrible. Mon bien-aimé, aime-moi si tu peux, mais ne me trompe pas, je t’en supplie de toute mon âme.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 98
Transcription de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « dépends ».
b) « honnêté ».
c) « désespérait ».

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