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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juin 1838

16 juin [1838], samedi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon petit homme, bonjour mon chéri, comment vas-tu, comment vont tes yeux bien-aimés ? Moi, j’ai passé une assez mauvaise nuit et ce matin encore je suis très souffrante. Si les bains passent tantôt, j’en prendrai un. Jour mon petit homme, jour, il fait bien beau ce matin. Pourvu que ça dure car même pour rester chez soi, on aime le beau temps et le soleil. Est-ce aujourd’hui, mon amour, que commence ma réclusion ? Il me semble qu’auparavant vous auriez dû me donner une journée de bonheur afina que je vive de son souvenir tout le temps que durera ma prison. Et puis si ça vous paraît excessif et si mes prétentions vous ennuient et vous fatiguent, n’en parlons plus. Jour Toto, jour, onjour. Vous devriez venir essayer les chaussettes, mon amour, pour qu’on puisse acheter les autres à coup sûr. Cette fois-ci mes exhortations sont dans votre intérêt, ne les prenez pas autrement. Je vous aime mon Toto, non plus pour que vous vousb en réjouissiez ni que vous en profitiez, mais parce que je vous aime, comme les prés donnent de l’herbe et les arbres des feuilles, quoique personne ne doivec profiter de leur ombre et de leur fraîcheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 272-273
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « à fin ».
b) « pour que vous en réjouissiez ».
c) « doivent ».


16 juin [1838], samedi soir 6 h. ¾

Il me serait impossible, mon bien-aimé, de me mettre à table avant de m’être réconciliée avec toi. Si tu m’aimes comme je le désire, tu sentiras mon âme se poser sur la tienne et s’y fondre dans un long baiser d’amour et de remordsa. Il y a entre nous bien des chagrins déjà mais je ne voudrais pas en changer contre le bonheur de tout le monde. J’ai bien des torts envers toi mais en les prenant tous un à un, tu reconnaîtras que c’est par excès d’amour, même ceux de tout à l’heure, même dans la menace que je t’ai faite, il n’y avait qu’un excessif amour. S’il s’était agi de l’engagement de MM. Bocage, Frédérick ou Lockroy [1], il est probable que tu ne serais pas fâché contre moi à l’heure où je t’écris et que tu n’aurais pas senti aussi amèrement le malheur d’être trop aimé. Enfin, mon adoré, je sens que je t’ai fatigué, je sens que je t’aime, je voudrais non pas me faire pardonner, non pas te faire oublier mes torts parce que ce n’est pas assez pour moi de ta générosité mais je voudrais réveiller en toi cet amour d’autrefois qui te rendait doux et heureux tout ce qui venait de moi sans distinction, de plaisir ou de chagrin, de repos ou de travail, de sécurité ou de jalousie. J’ai bien aussi ma besace, va, lourde de toutes sortes d’inquiétudes dont la plus légère suffirait pour faire ployerb les genoux à une femme moins courageuse et moins aimante que moi. J’ai pitié de tes yeux, je ne t’écris pas une seconde lettre quoique j’aiec des volumes d’amour dans le cœur et sur les lèvres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 274-275
Transcription d’Armelle Baty assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « remord ».
b) « ploier ».
c)« ai ».

Notes

[1Joseph-Philippe Simon, comédien sous le pseudonyme de Lockroy. Alice Lehaene, veuve de Charles Hugo, épousera son fils en secondes noces.

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