10 mai [1836], mardi matin, 9 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé. Comment as-tu passé la nuit, comment va ta chère petite jambe ? Je voudrais de tout mon cœur que tu n’aies pas le moindre petit bobo pour ne pas troubler le souvenir de notre bonne soirée d’hier. Je t’aime, mon Victor, si tu savais comme je t’aime tu en serais vraiment fier et ravi. Mon amour est si exclusif, si entier à toi qu’il n’y a pas une partie de mon être soit au physiquea soit au moral qui n’en soit imprégné. Même quand je dors, mon amour veille. Cette nuit comme toutes les autres nuits j’ai rêvé de toi continuellement. Je m’endors avec le regret de t’avoir quitté, je me réveille avec le besoin et le désir de te voir. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre mais ce que je sens est infini.
Chère âme, j’ai toujours un petit coin d’inquiétude à l’endroit de ta pauvre jambe. Je voudrais bien en avoir des nouvelles, et savoir qu’elle est en voie de guérison définitive. Je ne sais pas malheureusement quand tu pourras venir. Aussi, en t’attendant, je vais être tout amour et toute sollicitude et si le magnétisme existe, tu sentiras une grande joie dans le cœur et un grand bien à ta chère petite jambe.
Je t’aime je t’aime. A bientôt je l’espère. Mille fois et dix millions de fois merci pour le bonheur que tu m’as donné hier. Je t’adore.
J.
BnF, Mss, NAF 16327, f. 37-38
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette
a) « phisique ».