Guernesey, 25 août 1859, jeudi, 4 h. après-midi
La journée ne suffirait pas, mon cher bien-aimé, à te dire mon amour et l’espace du monde entier serait trop petit pour contenir toutes mes tendresses. C’est pourquoi je m’en tiens à ce petit morceau de papier beaucoup trop grand encore pour que mon pauvre esprit puisse le remplir mais où le mot Je t’aime s’ébat à son aise. Je ne te demande pas pardon de ne pas te gribouiller plus régulièrement, l’excuse n’est pas dans la présence de mes bretons [1]. Non parce que ces braves gens manquent de discrétion, tant s’en faut, mais parce que le moindre dérangement dans mes habitudes est tout de suite un grand aria pour moi. Du reste, ces excellentes gens sont si éblouis, si attendris, je dirais presque si consternés de l’accueil si exceptionnellement bienveillant que tu leur fais qu’ils en pleurent et en rient tout à la fois en joignant les mains et en balbutiant des hymnes de reconnaissance, d’admiration et d’adoration pour toi. Moi qui n’ai pas besoin de la circonstance pour faire chorus, je t’aime à plein cœur et de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 192
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette