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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er janvier 1877

Paris, 1er janvier 1877, lundi soir, 6 h. ¾

Cher adoré, divin bien-aimé, à défaut de temps pour t’écrire et dans l’impossibilité de te parler à cœur que veux-tu, je te crie à travers l’espace que je t’aime, que je t’admire, que je te vénère, que tu n’as jamais été plus grand, plus sublime et plus Dieu que maintenant et que je sens battre en moi le grand cœur de l’humanité qui te bénit et qui t’adore. Ne te figure pas que tu as écrit à toi tout seul la lettre étoilée que j’ai reçue ce matin, car je suis sûre que c’est sous la dictée de mon âme éperdue d’amour que tu l’as rédigée [1]. Si tu savais combien je t’aime tu comprendrais que j’ai toutes les audaces, même celle d’égaler mon amour à ton génie. Pardonne-moi cette outrecuidance qui a sa raison d’être, sinon sur la terre mais au ciel où sont les grands amours et les grands génies. Je suis si pressée par le temps et par les visites qui se succèdent et les cartes qui s’amoncellent autour de moi que je dois te faire l’effet d’une pauvre folle qui ne sait plus ce qu’elle dit. Eh bien tu te tromperais, car je n’ai jamais senti mieux qu’aujourd’hui combien tu es au-dessus [de] tous les autres hommes et combien mon amour est digne de toi. Les mots peuvent trébucher mais le cœur reste ferme et droit. Je te répète que jamais homme ne t’a dépassé ni même égalé depuis que les hommes existent ; et je suis sûre, aussi, que jamais femme n’a aimé comme je t’aime.
J’ai reçu les bonnes nouvelles de Mme Charles et qui seront meilleures encore, je l’espère, d’heure en heure jusqu’à parfaite guérison que je lui souhaite de toutes les forces de mon âme. Je baise l’ombre de tes ailes en attendant que je puisse baiser tes pieds adorés.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 1-2
Transcription de Guy Rosa
[Souchon, Massin]

Notes

[1La voici (éditée par Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 309) :
« 31 décembre — 1877.
Chère bien-aimée, c’est tout mon cœur que je t’envoie. Une année de plus, c’est une augmentation d’âge, c’est aussi une augmentation d’amour. Nous approchons de plus en plus des grandes certitudes du ciel. Là toute la lumière de l’âme est visible, et tout ce qui est ombre terrestre s’efface. Je sens que nos anges ont les yeux fixés sur nous. Je mêle donc, ma bien-aimée, aux félicités du passé les félicités de l’avenir, car la mort n’est qu’une vie plus haute.
Aimons-nous. Je te bénis. J’espère dans l’année qui s’ouvre et en songeant à toi, mon vieux cœur est plus jeune que jamais.
Sois heureuse, aimée et bénie ! Je baise tes pieds. »
Enveloppe adressée à « ma dame ».

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