Jersey, 24 octobre 1854, mardi après midi, 2 h.
Le moyen, mon cher petit bien-aimé, que je passe mon temps très gaillardement loin de vous, c’est de donner à copire. Mais je ne saurais faire qu’une assez triste mine livrée à mes propres inspirations quand bien même je me battrais les flancs pour être très aimable, très spirituelle et très geaie. Aussi n’y essayerai-jea même pas aujourd’hui tant je suis convaincue de l’inutilité de mes efforts. Tout ce que je peux faire c’est de vous aimer naturellement comme un Nibou. J’ai vu Guay tantôt qui est venu de lui-même, je lui ai donné 19 shellings brithichs pour vos deux moutards. J’ai envoyé payerb les chaussettes autresc 18 shellings, également britichs, ce qui fait que les livres sterlings fondent chez moi comme du beurre dans la poële. Cela ne m’empêchera pas pourtant de vous offrir une demi livre en or ce soir dans le cas où vous en voudriez. Maintenant vous seriez bien gentil de me rapporter votre paire de chaussettes pour que je la marque afin de vous donner la douzaine complètee. Si ce n’est pas là de l’esprit et du style, c’est que vous ne vous y connaissez pas ou que vous crevez de jalousie. Quant à moi je m’adbire dans la rédaction seulement je me dépêche d’en finir pour ne pas vous blaser sur ma supériorité. Je vous [saboule ?] un tas de tendresses en veux-tu en voilà, par devant, par derrière, dessus et dessous, ici et là, sans compter, sans trier les grosses et les petites, au hasard et à même mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16375, f. 353-354
Transcription de Chantal Brière
a) « essayrai-je ».
b) « payé ».
c) « autre ».
d) « complette ».