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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er juin 1854

Jersey, 1er juin 1854, jeudi après-midi, 3 h. ½

Tu es bien heureux, mon cher petit homme, de savoir vivre loin de moi, quant à moi j’ai toutes les peines du monde à ne pas crever d’ennui et de tristesse. J’ai de plus aujourd’hui un horrible mal de tête que je mets sur le compte de l’orage comme si j’avais besoin de prétexte pour me livrer à cette migraine chronique. Mais toi, mon pauvre trop aimé, comment vas-tu aujourd’hui, comment va ta gorge ? Il me semble que ce temps-ci même ne peut pas lui être contraire puisqu’il fait chaud. Tu serais bien gentil de venir bien vite me dire au juste ce qui en est. En attendant je me livre au gribouillis effréné, tout à l’heure je copierai. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je n’ai pas commencé, continué et fini par là. Pattes de mouches pour pattes de mouches, je préférerais celles qui gigotenta dans votre poésie à celles qui barbotentb dans ma stupide prose. Chacun son goût mais voilà le mien dans toute la dépravation, maintenant vous n’êtes pas forcé de ne pas le partager, au contraire. Chemin faisant je vous ferai remarquer qu’il y a bien longtemps que vous ne vous êtes écrit de tendres billets doux à doubles fesses (prononciation anglaise), cela commence à m’inquiéter. Je vous supplie de ne pas faire languir plus longtemps ma curiosité si vous ne voulez pas que je me livre à toutes sortes de mauvaises conjectures sur vos correspondants et sur vos correspondantes. En toutes choses il faut tâcher de rendre le vrai invraisemblable. Sur ce, mon cher petit traître, oh ! vous voilà, aucun moyen d’achever mon imprécation cornéliene ou corneillienne.
J’achève, mon pauvre bien-aimé, moins gaiementc que je n’ai commencé car je te sais souffrant et en proie aux voleurs, c’est deux fois plus qu’il n’en faut pour m’attrister et pour m’inquiéter.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 211-212
Transcription de Chantal Brière

a) « gigottent ».
b) « barbottent ».
c) « gaiment »

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