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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 août [1846], lundi matin, 8 h.

Bonjour mon Victor chéri, bonjour mon Toto, bonjour et mille baisers sur votre chère petite bouche. Qu’est-ce que vous faites tantôt, mon petit homme ? Avez-vous séance à la Chambre et pourrai-je aller vous chercher ? Il me semble t’avoir entendu dire que la Chambre ne serait que pour demain mardi, mais je n’en suis pas sûre. J’aimerais mieux qu’il y en ait une aujourd’hui, si je dois en profiter, car je vous ai à peine vu hier, et encore, le peu de temps que vous avez passé auprès de moi a été employé à faire des agaceries et des giries [1] à Mme Guérard. J’ai bien besoin de me rabibocher un peu et de mettre mon bonheur au pair avec vous car je suis diantrement en déficit. Je vous aime toujours et sans compter, et je ne retire rien de mon amour, sinon de vous attendre tous les jours et de ne vous voir presque jamais. Cet état de chose est parfaitement agaçant mais ennuyeuxa. Je désire y apporter quelques variantes. Pour cela, j’ai besoin de votre bonne volonté et de votre concours. Cher adoré, mon bon petit homme, je t’aime. Je voudrais être toujours avec toi, parce que tu es mon bonheur, ma vie et ma joie. Je te désire, je t’attends et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 67-68
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».


24 août, lundi après-midi, 3 h. ½

J’espère qu’il ne t’est rien arrivé de fâcheux, mon Victor bien-aimé ? Cependant, je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu. Dépêche-toi de venir, mon bien-aimé, pour me tirer plus vite d’inquiétude et pour me donner la joie de te voir. Je t’attends avec une impatience douloureuse qui me donne chaud dans les mains et dans la tête. Je ne me rends pas compte des obstacles qui t’ont empêché de venir baigner tes chers yeux comme d’habitude [2]. Je crains qu’il ne te soit arrivé quelque chose de mal. Je voudrais me raisonner et me tranquilliser mais c’est plus fort que moi.

5 h. ¼

Mon pressentiment ne m’avait pas trompée, mon bien pauvre bien-aimé, car ton bon Charlot était malade [3]. Maintenant, j’espère que ce ne sera rien et que tu le trouveras mieux dès à présent. Je l’espère et je le désire de tout mon cœur. Si tu peux prendre sur ton travail le temps de venir me donner de ses chères nouvelles, tu me soulageras d’un grand poids. Ô je t’aime mon Victor. Ô je t’adore mon divin bien-aimé. Je ne veux pas que tu souffres. Je ne le veux pas, mon Dieu. J’attends ton retour avec une double impatience. Je donnerais de ma vie autant qu’on voudrait pour que tu viennes me dire tout de suite que ton Charlot est guéri et que tu es heureux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 69-70
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Giries : plaintes hypocrites, jérémiades ridicules.

[2Victor Hugo, qui souffre de problèmes ophtalmiques, vient régulièrement baigner ses yeux chez Juliette.

[3Charles Hugo a la fièvre typhoïde.

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