Jersey, 10 mai 1854, mercredi après-midi, 3 h.
Je donnerais volontiers ma restitus pour une petite promenade avec vous au soleil dans ce moment-ci et Médine pour ton amour [1]. Malheureusement toutes ces transactions poétiques sont très peu échangées dans la vie prosaïque, béotique et lunatique. Voilà le hic.
Je viens de voir passer tout à l’heure Victor Hugo le petit [2], le nez au vent, la moustache en croc et l’œil en casse-cœur. J’avais envie de le prier de poser chez moi quelques instants en l’absence de son paternel ; mais outre qu’il paraissait très presséa, j’ai craint de n’avoir pas plus de chance auprès du fils que du père et je l’ai laissé courir… à son bonheur. Il me semble que c’est votre jour de gala aujourd’hui ? Alors je n’ai qu’à bien me tenir et à me serrer le cœur à la place du ventre car il est probable que je vous verrai juste le temps de vous laver un œil. Je m’y attends et je n’en bisque que davantage. Tiens vous voilà de ce côté, pourquoi ça, est-ce que vous faites dansb
BnF, Mss, NAF 16375, f. 180-181
Transcription de Chantal Brière
a) « pressée ».
b) La lettre s’interrompt (la quatrième page est blanche). L’arrivée de Hugo en est vraisemblablement la cause.