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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 octobre [1846], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour toi, bonjour vous tous, comment allez-vous ce matin malgré la pluie ? Je t’écris tard parce que je me suis peignée à fond en me levant et que depuis j’ai une partie de mes histoires du matin mais cela ne m’a pas empêchée de penser à vous, au contraire. Tu ne sais pas encore si tu iras chercher ces dames [1] ? Moi j’aimerais mieux que tu n’y allasses pas. Cependant je sens que si Vacquerie ne les ramène pas il sera difficile que tu n’y ailles pas. Dans ce cas-là je prendrai mon courage à deux mains et je ferai contre fortune bon cœur. Je n’ose pas espérer que tu viendras dîner ce soir mais je le désire de toutes mes forces. Cela n’est pas défendu, n’est-ce pas mon petit Toto chéri ? Il n’est pas non plus défendu de bisquer si vous ne venez pas. D’ailleurs, ce serait défendu que je m’en ficherais et que je n’en bisquerais que mieux et ne vous en désirerais que plus. Dans votre fuite éperdue hier au soir vous avez encore oublié mes gribouillis, vilain malhonnête. Ce n’est pas d’avoir oublié mes pattes de mouches dont je me plains, c’est de votre empressement à me quitter, scélérat. Si vous croyez que c’est poli et délicat vous vous trompez joliment. Je voudrais bien voir ce que vous diriez si je vous donnais des bons gros coups et si je farfouillais dans vos papiers. Je ne sais qui me retient de le faire tout de suite. Eh ! bien alors conduisez-vous plus décemment.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 175-176
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


3 octobre [1846], samedi soir, 5 h.

Pour rien au monde je ne renoncerais volontairement à passer une seconde avec toi, à plus forte raison quand il s’agit de dîner avec toi. Merci, cela ne m’arrive pas assez souvent, et cela m’arrivât-ila toute la journée que je n’y renoncerais pas davantage. La mère Lanvin mettra cela à la sauce qu’elle voudra mais je l’enverrai dîner chez elle, ou ailleurs, comme elle aimera mieux, pourvu que ce ne soit pas chez moi. Les raisons qui me faisaient la ménager n’existent malheureusement plus et déjà j’avais eu peu sujet de m’en louer quand ma pauvre enfant vivait encore [2]. Je ne lui en veux pas cependant mais je suis très fort refroidie à son endroit. Je la vois par habitude et aussi parce qu’elle me sert d’intermédiaire entre M. Pradier et moi pour les dernières tristes choses qui restent entre nous. Aussi, mon Victor adoré, je n’ai même pas le mérite d’un sacrifice en la renvoyant ce soir. Jour Toto, jour mon cher petit o. Juju est bien contente. Juju dînera avec son Toto ce soir. Juju est bien heureuse. J’espère que tu n’attendras pas que la soupe soit trempée pour venir, vilain malhonnête ? Je commence à m’apercevoir que vous me traitez trop sans façon. Il est temps, il vaut mieux tard que jamais et je veux dès aujourd’hui que vous preniez des manières de gentilhomme avec moi. Je le veux, je l’exige impérieusement.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 177-178
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « arriva-t-il ».

Notes

[1Les deux Adèle se trouvent encore à Villequier, chez Auguste Vacquerie.

[2Claire Pradier, la fille de Juliette Drouet, est morte le 21 juin de la même année.

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