10 avril 1848

10 avril [1848], lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon aimé Toto, bonjour, mon doux adoré, bonjour. Comment vas-tu ? je t’aime. J’ai dormi trois heures de suite cette nuit, et ce matin ma douleur est tolérable. J’espère qu’elle finira par me laisser tranquille et vraiment j’en ai besoin car je suis courbaturée de la lutte que j’ai supportée^a depuis cinq jours avec ce bête de mal. Cependant, je n’ose pas encore crier victoire car je ne suis rien moins que guérie, je ne souffre pas autant, voilà l’amélioration que j’éprouve ce matin. J’attendrai le médecin. Je verrai ce qu’il me dira, mais dans tous les cas il serait bon qu’il ne remplaçât^b pas ce mal-ci par un mal aussi grand, mais logé autre part. Ce n’est pas un déménagement qui peut me soulager, c’est une bonne et sincère expulsion du mal. Sans cela, ça ne vaudrait pas la peine de changer de souffrances. D’abord, je ne vois pas ce que tu y gagnerais et moi non plus ? Au lieu de me plaindre des bras je me plaindrais du dos, du cœur ou de la tête. La différence ne vaut pas le prix de la visite du médecin et j’aime mieux rester comme je suis et garder TON argent. Il me semble que ce raisonnement ne manque pas de logique, qu’en^c dites-vous ?

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/18
Transcription de Joëlle Roubine

a) « supporté ».
b) « remplaça ».
c) « quand ».