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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1847], mercredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon pauvre doux adoré, bonjour. Comment va ta chère malade ? Si je pouvais mesurer le mieux aux vœux ardents et à la prière constante qui demandent la guérison de cette douce et sainte femme, je serais bien tranquille ce matin. Pourtant j’espère plus que jamais, sans me rendre compte du motif qui me donne ce redoublement de confiance. J’attends Joséphine avec un sentiment de douceur et de tranquillité qui me semble d’un bon augure. Cher adoré, mon Victor bien-aimé, puissesa-tu être bientôt délivré de l’affreuse inquiétude dans laquelle tu vis depuis six jours [1].
J’espère te voir tantôt et avec un visage moins triste et moins découragé qu’hier. D’ici là, ma pensée ira bien des fois se poser sur vous tous pour mieux vous protéger par la prière, par le dévouement et par le cœur contre tous les maux. Hélas ! en t’écrivant cela, je sens mon illusion qui s’envole au dernier mot et je me retrouve avec le sentiment de mon impuissance et de mon inutilité. Je ne veux pas insister sur l’amertume que me donne cette conviction. Je ne veux penser qu’à toi et à tout ce qui t’intéresse dans ce moment-ci. J’attends des nouvelles, je prie et j’espère. Je t’aime, je te plains, je t’adore et je voudrais donner ma vie pour ton bonheur.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/58
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « puisse ».


13 octobre [1847], mercredi après-midi, 1 h.

Je ne m’étais pas trompée, il y a un peu de mieux ce matin, à ce que m’a dit Joséphine. Ce petit mieux est un grand pas il me semble fait vers la santé puisqu’il se manifeste plus tôt qu’on n’osait l’espérer ? Mon Dieu, quel bonheur, quelles actions de grâcea nous vous rendronsb tous le jour où il n’y aura plus aucun danger. Je pense et j’espère, mon pauvre cher bien-aimé, que tu viendras me voir tantôt avant de sortir avec tes chers enfants ? Si tu ne pouvais pas venir, je serais doublement privée et doublement malheureuse car Joséphine ne pourra pas aller chez toi tantôt à cause de son ouvrage après lequel le marchand attend pour emballer, et s’il me faut attendre jusqu’à ce soir sans te voir et sans savoir de nouvelles je ne sais pas ce que je deviendrai. Et puis, mon doux adoré, il faut sortir, il faut suivre de point en point la prescription si prudente de M. Louis qui a ses raisons pour te l’imposer. Quantc à moi, quel que soit le besoin que j’aie de te voir, je m’efface devant tes chers enfants. Pourvu que je t’entrevoied seulement, que je sachee comment tu vas et comment va ta pauvre femme, je consens de grand cœur à leur sacrifier ma joie et mon bonheur. Mon Victor, mon adoré, je baise tes pieds et je te donne mon âme.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/59
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « grâces ».
b) « rendront ».
c) « Quand ».
d) « t’entrevoye ».
e) « saches ».

Notes

[1Comme chaque matin depuis quelques jours, Juliette a fait prendre par sa voisine Joséphine des nouvelles de la santé de Madame Hugo, victime d’une attaque de fièvre typhoïde.

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