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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 avril [1847], dimanche matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon ami Toto, bonjour qu’on vous dit du bout de la plume mais du fond [du] cœur car, malgré qu’on vous boude, on ne peut pas s’empêcher de vous aimer. J’en sais quelque chose, moi qui ne dérage pas contre vous et qui vous aime comme un chien. Je voudrais pourtant bien savoir au juste quand ce rôle ridicule finira. Le jour probablement où je mordrai dans un feuilleton de [rôle  ?]. C’est une fin comme une autre et à la portée de tous les fidèles caniches mâles et femelles.
J’espérais, une fois vos soirées officielles finies, que vous viendriez me voir tous les dimanches dans la nuit. Je me suis trompée, comme toujours, encore une illusion de mon bonheur qui ne refleurira plus. Tous les jours je vois mourir et disparaître toutes les joies de mon amour. Bientôt il ne restera plus que mon pauvre cœur tout seul. Ce jour-là, mon bien-aimé, tout sera dit pour moi.
Mais je ne veux pas t’ennuyera de mes tristes pressentiments, je veux au contraire te faire RIRE quand je devrais te chatouiller la plante des pieds jusqu’à extinction. Premier fou rire : MadameGuérard m’a envoyé dire tout à l’heure qu’elle n’était revenue de la campagne qu’hier au soir à onze heures. Second fou rire : l’inspecteur des LIEUX et autres cabinets est venu me prévenir que pour mes COMMODITÉS il m’enverrait demain matin ses CACAOTIERS dans mon jardin. Troisième fou rire : le porteur d’eau, qui n’a pas quarante voies d’eau à donner à L’ÉCOLE CENTRALE le dimanche, s’est dispensé de m’apporter ma seule mais indispensable voie d’eau et Suzanne est à la recherche d’un autre tonneau. Quatrième fou rire : oh ! vous devez en avoir assez et je ne veux pas avoir votre mort à me reprocher. Je vous prie de ne pas oublier que je vous ai prêté mon dessin et que je désire le revoir le plus tôt possible. C’est bien le moins que, n’en ayant qu’un, je ne le laisse pas dans l’album. D’ailleurs, je serai plus tranquille quand je l’aurai chez moi sans en devoir compte à personne. Tâchez donc de me le rendre le plus vite. Maintenant baisez-moi comme si vous m’aimiez et venez de même, j’en seraisb presque aussi heureuse que si cela était.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/20
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « ennuier ».
b) « serai ».

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