18 octobre [1849], jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour. Bon succès, toute sympathie et grande admiration, voilà ce que je te souhaite et je te prédis nonobstant les oppositions inintelligentes et les jalousies enragées de tes chers et affreux collègues [1]. Quant à moi je ne me console pas de ne pas pouvoir assister à cette séance et j’ai les yeux encore humides de la perte de ma chère petite chaîne à laquelle je tenais comme à tout ce qui me vient de toi, mais plus particulièrement encore à elle parce que tu me l’avais achetée de toi-même. Aussi je la regrette comme une des dernières et charmantes preuves de galanterie et d’amour que tu m’aies donnée, c’est-à-dire beaucoup plus, infiniment plus que le bijou le plus rare et le plus précieux qui ne me viendrait pas de toi.
2e feuille, 18 octobre [1849], jeudi matin, 8 h.
Il ne faudrait rien moins que le bonheur de t’entendre tantôt pour me faire oublier un moment la perte réelle que j’ai faitea hier, mais cette compensation ne me sera pas donnée, je ne le sais que trop. Aussi je suis triste et malheureuse le plus que je peux. Il est vrai que j’en ai presque pris l’habitude maintenant et que je serais peut-être très embarrassée pour être autrement. Enfin, mon adoré bien-aimé, tâche de venir me prendre avant d’aller à l’Assemblée si tu ne veux pas que je sois la plus malheureuse des femmes aujourd’hui. D’ici là je vais tourner bien des fois la difficulté d’assister à cette séance si tentante pour moi puisque tu dois y parler. Mais je sais bien que ce n’est pas moi toute seule qui trouverai moyen de lever cette absurde difficulté de l’entrée [2], ce qui m’exaspère presque autant que je t’aime.
Juliette
Pierpont, PLM, Misc Ray, MA 4500, Drouet, Juliette
[Barnett et Pouchain]
a) « fait ».