Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Décembre > 27

27 décembre [1845], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, je t’aime, comment que ça va ce matin ? Il fait un temps magnifique. C’est moi, votre baromètre, qui vous l’annonce dans le cas où vous n’en sauriez rien. J’ai une démangeaison atroce de sortir, je ne sais pas pourquoi, ou plutôt je le sais très bien et trop bien : c’est le désir d’être avec vous. Cependant je sens que cela ne se peut pas à cause de votre travail et je me soumets tant bien que mal à mon malheureux sort.
J’ai reçu une lettre de Brest [1] tout à l’heure qui m’annonce un prochain envoi de poissonnerie quelconque. Dans cette lettre, mon beau-frère me mande que son ami le plus le plus Du Pujol des Alboize est à Paris dans ce moment-ci, occupé à faire un mariage très avantageux, mais qui n’est pas celui qu’il avait rêvé. Il paraît que vous aviez eu tous les deux le même cauchemara à l’endroit de l’Alboize. Heureusement que cela ne dérange personne et qu’on peut recommencer ces rêveries sur de nouveaux Du Pujol sans qu’il en coûte rien.
Baise-moi, mon cher petit bien-aimé adoré, et tâchez de m’aimer un peu mieur que ça. Je veux que vous me mettiez à tous les jours et à toutes les nuits. Je ne crains pas que vous m’usiez jamais, mais je crains beaucoup de moisir. Je vous adore, baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 305-306
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « cauchemard ».


27 décembre [1845], samedi soir, 4 h. ¾

Je ne suis pas sortie, mon petit Toto, je n’en avais plus envie. D’ailleurs mes envies de sortir sont plutôt des prétextes à te forcer à venir avec moi que de sortir pour prendre l’air et l’exercice dont j’ai pourtant le plus grand besoin. Et puis il était déjà nuit et j’aurais craint de ne pas te voir à travers mon voile. Enfin je n’en avais plus le goût, voilà. J’espérais que tu serais venu me voir dans tout l’éclat de ton costume, mais tu as crainta de m’éblouir ou mieux encore, de m’humilier, et tu es venu en simple paletot. Tu as très bien fait et je te remercie de cette attention délicate. Je te remercierais bien davantage encore si tu venais passer la soirée toute entière avec moi. Cependant j’avoue que je n’y compte pas, connaissant tout ce que tu as à faire. Si tu viens, ce sera une vraie bonne et douce surprise. Si tu ne viens pas, ce sera de la résignation comme à l’ordinaire mais sans la moindre amertume. Je me suis aperçueb ce matin que tu avais oublié mes deux gribouillis. Cette nuit j’avais presque enviec de les jeter au feu pour t’épargner la peine de les emporter et l’ennui de les lire, mais il est encore temps et il sera toujours temps ce soir. Il suffit que j’aie eu du bonheur à te les écrire, le reste ne vaut pas la peine quotidienne que tu prends de les ramasser et de les amasser. Baise-moi, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 307-308
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu as crains ».
b) « je me suis aperçu ».
c) « presqu’envie ».

Notes

[1Juliette Drouet tient une correspondance régulière avec Renée et Louis Koch, sa sœur aînée et son beau-frère, domiciliés à Brest.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne