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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 décembre [1845], samedi, midi

Bonjour, aimé, bonjour, adoré, bonjour, Toto, bonjour, toi, bonjour, vous, comment que ça va aujourd’hui ? Avez-vous quelque affaire CHAUMONTEL en train, ou quelque chancelier [1], ou quelque académicien à fouetter ? Voime, voime, comme je crois cela moi, prenez garde de le perdre. Aussi je laisse pousser mes ongles et je me fais donner des bons coutelas bien affilésa pour m’en servir dans l’occasion. Méfie-toi Toto.
Je vous écris très tard et sur du grand papier parce que je veux prendre un bain tout à l’heure, que c’est aujourd’hui le MÉNAGE À FOND, LA PEIGNERIE À FOND et tout le reste encore plus à fond. Depuis ce matin, je me prépare à cette grande œuvre et je n’en suis pas plus avancée. D’abord il est arrivé un accident à cette stupide lampe qui a forcéb Eulalie d’aller encore chez le lampiste. Je ne sais pas si nous pourrons nous en servir ce soir. Pour ma part, j’en ai une indigestion et je la voudrais à tous les diables tant elle m’ennuie. Une chose m’ennuie et m’agace encore plus, c’est la pensée que la lumière de la bougiec te fait du mal en travaillant. J’enverrai tantôt, j’enverrai ce soir, j’enverrai indéfiniment chez ce fripon de marchand pour tâcher que tu l’aies ce soir, cette affreuse lampe. À elle seule elle pourrait défrayer tous les faits divers et tous les chiens noyés de tous les journaux de Paris par les nouveaux incidents et les accidentsd variés de son éclairage infernal. Quant à moi, mes gribouillis sont remplis de sa lugubre histoire et mon appartement de sa nauséabonde et asphyxiantee fumée. Dans tout cela, mon pauvre adoré, c’est toi qui es le plus à plaindre, car tu as le contrecoup de toutes ces petites misères domestiques et Dieu sait si c’est amusant. Heureusement que pour relever un peu ces fades incidents, il arrive de temps en temps une lettre piquante de la mère Luthereau. Aujourd’hui tu pourras t’en régaler d’une très longue et très remplie si j’en juge d’après l’apparence. En attendant, je t’aime comme plusieurs CAROLINE [2] et je te baise en conséquence.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 223-224
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « bien affilé ».
b) « a forcée ».
c) « la boujie ».
d) « le accidents ».
e) « asphixiante ».

Notes

[1À élucider.

[2Caroline est la femme d’Adolphe, le héros des petites misères de la vie conjugale de Balzac qui paraît en feuilletons entre 1830 et 1846 dans divers journaux : La caricature, La presse et Le diable à Paris.

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