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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 septembre [1845], lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon aimé Toto, bonjour, mon adoré petit homme, comment vas-tu ce matin ? Comment as-tu passé la nuit ? As-tu pensé à moi ? As-tu rêvé de moi ? T’es-tu réveillé souvent dans la nuit pour me chercher à côté de toi ? Moi j’ai fait tout cela. Une [nuit] seulement m’a rendu toutes mes habitudes passées. Chaque fois que je me réveillais, et je me suis réveillée souvent, je cherchais à côté de moi comme si tu avais été là. Il m’est arrivé même, dans le demi-sommeil, de caresser mon oreiller croyant que c’était toi. Voilà, mon petit Toto, comment j’ai passé la nuit, et vous ?
Tu reviendras à Paris après le déjeuner, n’est-ce pas ? J’y compte bien. Sais-tu qu’il y aura vingt-quatre heuresa que je ne t’aurai pas vu ? C’est bien long même quand on a passé une nuit avec vous.
Voici ce dont je suis convenue avec les petites filles [1], sauf meilleur avis et l’approbation du temps. Elles viendront mercredi et nous irons où tu voudras. Dans le cas où ce jour ne te conviendrait pas, je le leur ferais savoir et dans le cas où il pleuvrait, ce serait remis au jeudi ou jour suivant. En attendant, Clairette travaille [2]. Toutes ses matinées seront employées à étudier et le reste de la journée à se promener quand le temps le permettra. Aujourd’hui, par exemple, je ne vois pas que nous puissions mettre notre projet à exécution. Il pleut et il fait froid. Je te recommande de prendre soin de toi et de ne pas te faire mouiller. Je n’ai pas besoin que vous ayez un rhume ou des maux d’intestins. Baisez-moi et venez bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 286-287
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « vingt-quatre heure ».


15 septembre [1845], lundi soir, 9 h.

Malgré le vent, la pluie, la boue, les œils de perdrix et autres inconvénients, nous sommes sorties aujourd’hui, mon cher petit bien-aimé. D’abord sans parapluie parce que ma péronnelle ayant laissé le sien à la pension, il ne restait que celui de Suzanne, lequel est trop hideux et devait d’ailleurs lui servir à abriter sa non moins hideuse carcasse. Voici comment nous nous y sommes prises pour nous en procurer deux, chemin faisant. D’abord nous sommes parties à 2 h. ½. Il ne pleuvait plus. Arrivées à l’imprimerie, la pluie a recommencéa, ce qui m’a donné l’idée ingénieuse, non pas de revenir sur mes pas, mais d’aller directement chez la mère Sauvageot qui demeure quai de la Grève, n° 4. Elle était chez elle et elle nous a prêté un parapluie. De là, nous sommes allées chez Mlle Féau qui m’a forcée d’en reprendre un second sous prétexte que ce n’était pas assez d’un seul. Ensuite nous sommes allées voir Mme Tissard que nous avons trouvée travaillant. Nous y sommes restées à peu près une demi-heureb puis nous avons traversé le pont du Louvre et Claire est montée chez M. Pradier dire qu’on envoie Charlotte mercredi s’il fait beau. Au moment où Claire entrait dans la maison, j’ai rencontré Louise Rivière qui m’a priéec d’aller voir ses parents, ce que nous avons fait. Nous sommes allées rue du Sabot en passant par la rue de Furstemberg et la rue de l’Abbaye. Nous sommes entrées faire notre prière à Saint-Germain-des-Prés et puis nous sommes revenues chez nous, toujours à pied. Nous n’avons pas pris un seul omnibus. 7 h. sonnaientd comme nous passions à l’Hôtel de Ville. Je me suis déshabillée, j’ai dîné, j’ai compté ma dépense et me voilà te racontant tous les événements de la journée. J’en omets cependant que je me réserve de te dire quand je te verrai parce que le papier me manque et qu’il ne me reste que juste de quoi te dire que tu es mon Toto que je baise et que j’adore.

BnF, Mss, NAF 16360, f. 288-289
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « a recommencée ».
b) « une demie-heure ».
c) « m’a prié ».
d) « 7 h. sonnait ».

Notes

[1Dans une lettre du mercredi 17 septembre 1845 (NAF 16360, f. 292-293), on comprend que Juliette évoque les filles Rivière, Louise et Julie.

[2Claire prépare l’examen pour devenir institutrice. Elle attend une nouvelle convocation, ayant déjà passé cet examen le 12 juin 1845 sans succès.

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