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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 juillet [1842], samedi matin, 10 h.

Bonjour mes Totos bien-aimés, bonjour mes chers petits, comment avez-vous passé la nuit tous les deux, mes chers petits hommes [1] ? Bien, n’est-ce pas mes pauvres petits amoureux ? Je l’espère et je le désire de tout mon cœur. Je vais faire force de voile pour être prête tantôt si tu viens nous chercher. Depuis ce matin, je fais recoudre, repasser, retaper et repriser les restes des zaillons [2] de ma pauvre péronnelle [3]. J’ai encore à lui faire écrire le catalogue de ses guenilles en partie double, après quoi tout sera fait. Il fait un temps ravissant qu’elle va mettre à profit avec fureur car depuis six mois la pauvre enfant a été presque en prison [4] et je sais par moi-même combien c’est pénible. Je désire qu’elle profite autant des études que du bon air, alors ce sera charmant. En attendant la voilà remise à neuf, ou à peu près. Nous verrons ce que ça durera. Pauvre Toto chéri, comment va ta petite main ? Tu serais bien gentil de venir ce matin m’en donner des nouvelles et me l’apporter à baiser. Cela me donnerait du cœur au ventre pour le reste de la journée et vraiment j’en ai besoin car je ne suis rien moins que gaie tous ces jours-ci mais je ne veux pas me plaindre pour ne pas t’ennuyer. Je t’aime, voilà qui est bien bon et bien vrai. Le bonheur viendra quand il plaira à Dieu. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Je vous aime, guérissez votre belle petite main tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 201-202
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


2 juillet [1842], samedi après-midi, 3 h. ¾

Tout est prêt, mon Toto chéri, cette fois-ci nous n’avons plus qu’à mettre nos mains dans nos poches et à nous en aller. Je crains que tu ne sois pas aussi avancé que nous et que ce ne soit pas encore pour aujourd’hui la fameuse conduite de Clarinette. Petit à petit ma ménagerie se dépeuple : hier Jacquot, ce soir ou demain Clairon et un jour quelconque Fouyou. Il ne restera bientôt plus que vous et moi, ce qui n’est pas capable d’empêcher la fin du monde d’arriver bientôt au train dont nous y allons. Je voudrais bien savoir comment tu vas mon cher adoré, comment notre cher petit garçon a passé la nuit. Enfin j’ai encore bien d’autres raisons au fond du cœur pour désirer te voir. Si tu en avais la moitié autant, tu serais bien vite auprès de moi.
Je désire, mon Toto, que tu ne cesses pas de m’apporter tes lettres, comme autrefois, petit à petit, mon amour, vous vous déliez de tous ces petits liens d’amour dont vous m’avez garrottée et bientôt vous cesserez de m’aimer sans vous en apercevoira, si cela n’est pas déjà fait. Je te prie mon Toto, de reprendre tes bonnes anciennes habitudes et de m’aimer comme autrefois si c’est possible. Je n’ai pas cessé de t’aimer, moi, comme le premier jour. Je n’ai pas quitté les bonnes habitudes de confiance et de déférence que je te dois. Je voudrais qu’il en fût de même de toi. Vois-tu mon cher adoré tous ces petits relâchements vous conduisent, tout doucement, à l’indifférence. C’est pour cela que je suis si malheureuse quand je m’en aperçois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 203-204
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « appercevoir ».

Notes

[1Juliette s’enquiert de la santé de Victor Hugo et de son fils François-Victor, convalescent.

[2Liaison phonétique pour « mes haillons ».

[3Juliette désigne ainsi sa fille Claire.

[4Pendant l’année scolaire, Claire est en pension.

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