Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Mai > 8

8 mai 1845

8 mai [1845], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher amour ravissant, bonjour, je suis heureuse, je te souris, je suis GEAIE, je t’aime et tu m’aimes. Quel bonheur !!! Tu vois que tu as joliment bien fait de venir cette nuit. Grâce à cette heure de joie que tu m’as donnée, j’ai passé une très bonne nuit. D’ailleurs je n’étais pas seule [1], j’avais pour dormir la PETITE LETTRE DE MON GRAND TOTO. Grâce à ces deux joies successives, je me suis fait un gros bonheur qui dure encore et qui durera longtemps, toujours, je l’espère, si tu veux bien l’entretenir un peu tous les jours.
Voilà un temps qui m’empêchera peut-être d’aller chez ma fille [2] parce que je n’ai pas de parapluie. Celui de Suzanne est trop hideux et beaucoup trop percé pour que je puisse m’en servir en plein jour. Cela me contrarierait parce que je sens qu’elle a besoin d’être remontée du côté de son stupide père et je voudrais lui parler à ce sujet avant qu’elle n’y allâta samedi. Peut-être le temps s’humanisera-t-il dans la journée. Je te verrai, n’est-ce pas, mon amour ? Avant d’aller à l’Académie, tu viendras baigner tes yeux et boire ton eau ? J’y compte pour te donner des bons baisers et pour t’en prendre des nouveaux bons. Tâche de venir, mon Toto chéri, je t’en prie, je t’en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 147-148
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « alla ».


8 mai [1845], jeudi après-midi, 1 h. ½

J’espérais que tu viendrais, mon Toto chéri, et que tu me donnerais un avis sur ce que je dois faire. Il pleut à chaque instant et je ne sais pas à quoi me décider. Dès que le soleil luit, je me dispose à m’en aller. Dès qu’il repleut, je me résigne à rester. Toi seul auraisa pu me décider à prendre un parti définitif. D’abord, je t’aurais vu, ce qui m’aurait fait une joie et un bonheur. Si je ne vais pas chez ma fille, je n’aurai rien du tout, ce qui sera bien CHESSE. Je crois décidément que je vais y aller en dépit du mauvais temps. Tu dois être à l’Académie déjà à cause de ce hideux perce-oreille  ? En vérité, je suis de l’avis de Ségur et je crois que je t’en voudrais presque, si je pouvais jamais t’en vouloir, d’être le plus généreux et le plus charmant des hommes. Du reste, il complètera la collection Girardin, Sainte-Beuve et consortsb de la même boutique. Mais cela te sied si bien de faire le lion généreux [3] que toutes mes antipathies s’effacent dans mon admiration pour toi. Fais-les donc tous entrer dans cette machine. Plus il y en aura et plus tu paraîtras grand.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 149-150
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « aurait ».
b) « et consors ».


8 mai [1845], jeudia après-midi, 3 h. ¾

Cher bien-aimé, tu panses mes blessures avec tes douces promesses. Je ne sais pas si elles se réaliseront jamais, mais je sais le bien que me fait le seul espoir qu’elles me donnent. Je ne souhaite pas de mal à M. Salvandy, cependant j’aurais désiré, au risque de te faire faire un maigre dîner, qu’on eût été assez inquiet de sa santé hier pour renvoyer tous les convives. Au lieu d’une triste soirée, j’en aurais passé une charmante. La chose explique suffisamment mon accès d’inhumanité envers le ministreb de l’instruction publique. Pour passer une heure avec toi, je suis capable, si cela pouvait y contribuer, à souhaiter le choléra-morbus à tous les monstres passés, présents et futurs. NATIONAL [4], où es-tu pour enregistrer dans TES COLONNES ce souhait MINISTROPHOBE. Hélas ! je peux faire tous les vœux possiblesc, aucun n’est exaucé. Je suis toujours en t’attendant. Rien ne saurait changer pour moi cette affreuse veine de guignon, au contraire. Plus je vais et plus elle s’étend, c’est à n’y pas croire. Tu m’as promis tantôt de me donner un jour de bonheur, mon Toto. Quelle qued soit ma mauvaise chance, j’y compte parce que j’ai le plus grand besoin de m’appuyer sur cet espoir-là pour ne pas tomber dans le découragement le plus profond. Je t’aime, mon Victor. Je t’aime, mon ravissant petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 151-152
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « vendredi ». La date a été corrigée par une autre main que celle de Juliette.
b) « le ministe ».
c) « tous les vœux possible ».
d) « quelque ».

Notes

[1Juliette paraphrase la lettre que Victor lui a écrite le 7 mai : « […] À cette heure, tu songes à moi, toi aussi de ton côté ; tu es seule, – non, tu ne l’es pas ! car je suis là […] ».

[3Référence à une réplique de Dona Sol à Hernani : « Vous êtes mon lion superbe et généreux ! » (Hernani, acte III, scène 4).

[4Le National, quotidien fondé le 3 janvier 1830 par Adolphe Thiers, Armand Carrel, François-Auguste Mignet et Auguste Sautelet. Il est interdit de publication après le 2 décembre 1851 et disparaît le 31 décembre 1851.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne