2 juillet [1845], mercredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher petit Toto, comment que ça va ce matin ? M’aimes-tu ? Je voudrais avoir la puissance magnétique et pouvoir entrer et fouiller dans ton cher petit cœur nuit et jour. Malheureusement, je ne l’ai pas, ce qui fait que je ne sais rien de rien. Je ne suis pas contente du tout, mon cher petit gueulard, vous vous permettez de venir manger mes fraises et vous vous en allez tout de suite après. Comme c’est HONNÊTE ! La prochaine foisa que vous vous livrerez à ce système [résilien ?], je vous ficherai des coups et vous n’aurez pas de fraises. Voilà ce que je ferai pour vous apprendre la politesse. En attendant, j’ai très mal aux yeux et j’ai toutes les peines du monde à t’écrire ce gribouillis. C’est surtout l’œil droit qui me fait le plus souffrir. Ma manie d’imitation continue. Seulement elle ne s’exerce que dans le mal. Je voudrais bien vous imiter dans vos cheveux noirs et vos dents blanches. Mais je ne suis pas si bête. J’aime mieux vous laisser tous les avantages, voime, voime, mais j’enrage cependant.
Toto, fais-toi faire un habit. As-tu soif ? SCIE tu ne veux pas absolument passer, t’en veux-tu boire ? Mais je crois que SCIE tu te DÉSCIEDAIS à en faire faire un, tous tes conSCIETOYENS seraient dans le ravissement. Au SCIE, je n’inSCIEste que dans ton intérêt de comte de SCIEguenza et de SCIEfuentes [1]. Baise-moi et fais venir ton tailleur tout de suite. De mon côté je ferai remplir ma fontaine. Baise-moi mieurre que ça encore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16360, f. 3-4
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « la première fois ».
2 juillet [1845], mercredi après-midi, 3 h. ½
J’espère qu’il ne t’est rien arrivé, mon cher petit homme bien aimé, et que c’est parce que tu es occupé que je ne te vois pas ? Je me donne toutes les bonnes raisons que je peux trouver pour me tranquilliser sur les accidents de toutes sortesa, y compris l’infidélité, auxquelsb tu dois toujours échapper. Mais je sens que la vue de ton doux visage me rassurerait mieux que toutes les meilleures raisons du monde.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je me suis mise à la légère pour vous plaire. MAIS CELA NE ME RÉUSSIT GUÈRE AUJOURD’HUI, mon cher petit tyran de je ne sais PAS D’OÙ [2]. Baisez-moi et pardonnez-moi mes réminiscences et mes plagiats. Je n’ai pas le cœur inventif. Je vous aime et je ne sors pas de là. Je voudrais toujours être avec vous. Voilà mon idée fixe. Je ne veux pas que vous en aimiez jamais une autre que moi. Voilà ma manie. Baisez-moi et tâchez de venir bien vite si vous tenez à me rendre bien heureuse. Sur ce, je vous demanderai SCIE vous avez SOIF ?
Quand donc iras-tu chez le roi ? Cela m’intéresse parce que j’ai l’espoir de t’accompagner. Je me résignerai pour cela, s’il le faut, à te mener chez la vieille de Courbonne doublée de la jeune de [Sans-Souci ?]. Tu peux voir par le sacrifice que je fais, l’importance que j’attache à passer une heure avec toi. En attendant, je t’adore et je te baise de toutes mes forces et de tout mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16360, f. 5-6
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « de toute sorte ».
b) « auquels ».