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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 avril 1845

7 avril [1845], lundi, midi ¾

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon bien-aimé ravissant, bonjour, le plus adorable et le plus adoré des hommes, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Es-tu moins poursuivi par les affaires et par ta pensée ? Auras-tu un peu plus de loisirsa aujourd’hui que les autres jours ? Je le désire de toute mon âme mais je ne l’espère pas. Je t’ai nettoyéb et recousu tes gants ce matin. Ils ne sont pas encore aussi bien que je le voudrais, je crois que cela tient à la trop petite quantité de lait que m’avait gardé Suzanne. Cependant, tels qu’ils sont, tu peux les mettre encore une fois ou deux. Je vais faire ta tisanec et puis je m’habillerai. Je me serais dépêchéed davantage si j’avais espéré que tu me ferais sortir tantôt. Mais pour rester chez moi, cela ne vaut pas la peine de me hâter. Je n’ai de goût à rien hors de toi. C’est un tort, j’en conviens, mais il ne m’est pas possible de ne pas l’avoir.
J’ai déjà changé l’eau de mon petit bouquet de violettes et puis quand il aura exhalée tout son parfum, je le ferai sécher au soleil et je le conserverai toute ma vie. Quand je mourrai, je veux qu’on me les mette tous sur mon cœur. Je veux emporter avec moi tous les souvenirs d’amour que tu m’as donnésf. En attendant, je les garde bien précieusement dans mon petit livre rouge [1].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 25-26
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « loisir ».
b) « nétoyé ».
c) « ta tisanne ».
d) « je me serais dépêché ».
e) « exalé ».
f) « que tu m’as donné ».


7 avril [1845], lundi après-midi, 4 h. ½

Je t’aime, mon Toto, je t’attends, je te désire et je t’adore. Je ne sors pas de là tous les jours depuis le moment où je me réveille jusqu’à celui où je m’endors. Entre ces choses-là, il y a bien des tristesses, bien des regrets, bien de l’impatience et souvent bien de l’amertume, mais il n’y a jamais un moment d’indifférence. Je peux bien souffrir de toutes les parties de mon cœur, mais je ne peux pas ne pas t’aimer avec adoration. Dans ce moment-ci, je respire mon petit bouquet pour me faire illusion afin de me faire prendre patience. Je lui parle, je lui contea mes chagrins, il m’écoute et il me répond avec une petite voix douce et parfumée comme la tienne. Il me dit d’être bonne et résignée et de garder un visage doux et souriant pour quand tu viendras et je tâche de lui obéir. Voilà où je suis de ce cher petit dialogue. Je voudrais que tu intervinssesb en tiers. Je serais la plus heureuse femme de l’univers.
On a apporté tout à l’heure de chez la penaillon de la rue Dorée des assiettes et deux compotiers ainsi qu’une bouteille bleue en faïence et un petit pot au lait. Elle demande 30 francs du tout. Il y a dix-neuf assiettes intactes. Les assiettes me plairaient assez parce que j’en ai toujours besoin. Tu verras si tu peux les acheter.
Il fait un temps ravissant, mon petit Toto. Probablement tu en profites en travaillant. C’est bien dommage que tu n’aies pas pu venir m’embrasser dans l’intervalle de tantôt à ce soir. Cela m’aurait fait paraître le temps moins long.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 27-28
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je lui compte ».
b) « tu intervinsse ».

Notes

[1Juliette conserve dans un livre rouge les lettres que Victor Hugo lui envoie chaque année pour leur anniversaire du 16-17 février 1833. Ce « livre de l’anniversaire », comme il est appelé parfois, est un exemplaire des Poesias de Jacinto de Slas y Quiroga publié en 1834, relié pleine basane rouge, dont il ne subsiste que la couverture et les pages de garde, sur lesquelles VH a écrit les premières lettres. Les pages suivantes sont les lettres de l’anniversaire insérées. Il semblerait que Juliette y conserve également ses « reliques », tous les souvenirs et cadeaux de Victor Hugo.

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