Guernesey, 28 avril 1859, jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé. Bonjour, mon pauvre doux supplicié. Je t’adore. Je te remercie de ta patience à supporter les ineptes et grossières familiarités de ce stupide Préverauda qui du reste, n’a aucune conscience de son outrecuidante sottise mais qui au besoin te donnerait, comme il l’a déjà prouvé, des marques sérieuses d’un dévouement touchant et respectueux. La boursouflureb vésiculaire et enfiellée de Quesnarda lui a paru le suprême de la drôlerie et il trouve [joli ?] d’être la grenouille de ce crapaud et d’enfler la bêtise au risque de la faire crever. J’en suis humiliée parce que cela se passe chez moi et surtout parce que je crains que ta mansuétude léonine envers ce petit roquet humain ne finisse par s’impatienter et que tu ne donnes une rude leçon trop méritée à ce brave imbécilec qui croit de bon goût de japper ces crétineries à tes oreilles. Je te demande encore grâce pour lui, à cause de l’admiration sincère qu’il a pour ton caractère, je dirai presque pour tes œuvres si ce n’était pas m’avancer beaucoup, et surtout pour ce bon docteur qui souffre tout le premier de l’inconvenance de son beau-frère. Cher bien-aimé, je baise tes pieds. Je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 112
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) Noms rayés où n’apparaissent que la première et la dernière lettre.
b) « boursoufflure ».
c) « imbécille ».