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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juillet [1844], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Penses-tu un peu à moi et m’aimes-tu un peu, mon adoré ? Moi, je ne pense qu’à toi et je n’aime que toi, voilà l’état de ma santé et de mon cœur. Je désire te voir de toutes mes forces. Je n’ose plus te demander de venir déjeuner avec moi parce que je vois que cela ne te plaît plus. Il est évident, pour moi, que cette douce habitude d’autrefois n’a plus aucun attrait pour toi. Aussi, mon Toto, je ne t’en parle plus que pour mémoire. J’ai beau t’aimer autant et plus que le premier jour, j’ai beau te trouver jeune, charmant et adorable, je ne me reconnais pas le droit de m’imposer à toi par l’importunité et l’obsession. Je sais bien que tu travailles, je le sais, mon Toto chéri, mais je sais aussi que tu manges et que tu te couches à peu près tous les jours. Ce que je te demanderais, ce serait donc de donner la préférence à mon lit sur le tien et à mesa côtelettes sur celles de ton boucher. Certes, ce ne serait pas une chose si difficile s’il n’y avait pas un obstacle plus sérieux que celui de changer de lit et de cuisine… Allons, me voici arrivée où je ne voulais pas venir, à te parler de choses qui ne peuvent pas s’exprimer en paroles. On sent ces choses-là, on en souffre mais on ne doit pas s’en plaindre. Je te demande pardon, mon Toto adoré, car dans tous les cas, c’est inutile et c’est ridicule. Je t’aime de toute mon âme, c’est déjà bien assez de bonheur comme cela, n’est-ce pas, mon Toto ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 251-252
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « me ».


12 juillet [1844], vendredi après-midi, 4 h. ¼

Je voudrais pourtant bien ne pas grogner toujours, mon cher amour ; et cependant, c’est assez difficile vu l’état des choses. Je vous aime, je ne me plais qu’avec vous et je ne désire que vous, et vous me laissez toujours seule comme un pauvre chien, ça n’est pas très régalant, convenez-en ? Je vous ai déjà écrita une stupide lettre ce matin, ce n’est pas une raison pour ne pas vous en écrire une autre à présent. Quand vous viendrez plus souvent, je serai moins bête et beaucoup plus aimable. C’est à vous de voir ce qui vous convient le mieux mais je ne peux rien changer à ma manière tant que la vôtre sera de me laisser seule tous les jours 23 heures ¾ sur 24. Voilà mon ULTIMATUM. J’ai presque envie de m’en aller avec la GRENOUILLE et vous auriez couru après. Oh ! Dieu, si j’avais ça, comme je m’enfuirais à toutes jambesb pour vous forcer à courir après moi. Hélas ! Je ne m’y fierai plus à présent. Depuis que vous êtes ÉTABLI, un ACADÉMICIEN, une PERRUQUE enfin, vous êtes devenu diantrement cul-de-jatte, je ne sais pas si vous le savez. Je crois prudent de ne pas risquer l’épreuve car je serais forcée de me ramener par les [cornes ?] moi-même. Autant vaut rester chez moi à vous attendre en bisquant1 dans ma peau et vous accablant d’injures comme je le fais tous les jours.
Baisez-moi, monstre. Aimez-moi et plaignez-moi ou je vous fiche des coups. Baisez-moi encore, encore, encore, encore, encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 253-254
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « écris ».
b) « à toute jambe ».

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