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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juin 1844

15 juin [1844], samedi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé ; bonjour, mon adoré ; bonjour, mon pauvre cœur triste, bonjour ; je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? As-tu pris un peu de repos, mon pauvre cher bien-aimé ? J’ai pensé à toi toute la nuit car j’ai rêvé de toi toute la nuit. C’est bien rare quand je dors sans rêver de toi, et quand cela m’arrive, je m’en veux comme si c’était de ma faute. C’est si doux de rêver de toi même quand tu es méchant, je suis avec toi, c’est tout ce qu’il me faut.
Quel charmant petit portrait on a fait de cette chère petite bien-aimée [1]. Si tu le permets, je le copierai, mais je n’ai pas osé le faire sans t’en demander la permission. Cela me sera bien précieux et bien doux. Pauvre ange envoléa, tout ce qui me la rappelle et me rapproche de son souvenir me devient cher et sacré. Ne sois pas triste, mon adoré. Ou plutôt, ne souffre pas, car il est impossible que tu ne sois pas éternellement triste. Je t’en prie, mon Victor, ma vie, mon âme. Mon Dieu, que je voudrais te voir. Il me semble que j’ai dans le cœur des tendresses nouvelles que je ne t’ai pas encore dites. Des caresses que je ne t’ai pas encore faites. Mon cœur est tout plein d’amour qu’il voudrait verser dans le tien. Ma bouche pleine de baisers qu’elle voudrait mettre sur la tienne. Je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 151-152
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « envolée ».


15 juin [1844], samedi soir, 9 h. ½

Je viens de copier le portrait de cette chère enfant, il prendra place dans les reliques qui lui ont appartenua et que je garde religieusement.
J’espérais te voir, mon Toto, et tu n’es pas revenu, tu auras sans doute pris un bain et tu auras bien fait. Cependant, je trouve le temps un peu rafraîchib et je crains que tu ne te sois refroidic si tu l’as pris. J’attends avec impatience que tu viennes. Je suis un peu souffrante d’une douleur au flanc gauche, elle n’a rien d’inquiétant mais elle me gêne et je vais aller me coucher. La petite Lanvin m’a apporté la chose en question qui consiste en un petit couvert jadis en vermeild que j’emportais en voyage ; de six petites cuillères très minces et très petites et d’une passoire à thé. Je te remercie, mon cher amour, je te remercie pour toi et pour moi de ce nouvel effort. J’ai vu Mme Triger tantôt qui allait redîner chez son cousin. Du reste, elle ne m’a rien dit qui vaille la peine d’être redit ni écouté. Eulalie est partie ce soir pour jusqu’à lundi, Suzanne est couchée depuis huit heures, et moi je toutonne dans la maison et je te gribouille toutes ces billevesées en t’attendant. Tout à l’heure je vais essayer de lire les journaux mais j’ai peur qu’ils ne m’endorment tout de suite. Depuis quelque temps, je ne suis pas forte pour la lecture du soir. Cependant, je ne serais pas fâchée de savoir où en sont les modes nouvelles. Ia, ia, monsire Matame il est son sarme… Je t’en fiche. Je vais lire le discours de la duchesse de Kent aux Strasbourgeois [2]. Mais j’aimerais mieux vous voir : cela me serait plus infiniment agréable. Dépêchez-vous de venir, mon cher petit et baisez-moi en pensée et en désire en attendant que ce soit en nature. Je vous aime, ô oui, je t’aime, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 153-154
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « appartenues ».
b) « raffraichi ».
c) « refroidi ».
d) « vermeille ».
e) « désire ».

Notes

[1À élucider.

[2À élucider.

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