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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 février [1844], mardi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon Toto bien aimé. Bonjour mon adoré petit homme. Bonjour mon Toto chéri. Bonjour, bonjour je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? Comment vont tes pauvres yeux adorés ? As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Quand me rendras-tu les bonnes matinées d’autrefois ? Tu me les promets depuis longtemps mais tu ne me tiens pas parole, cependant tu sais si je t’aime. Je ne veux pas que tu renonces à cette douce habitude parce que je suis convaincue, que dans un temps donné, cela t’amènera à l’indifférence, c’est-à-dire à ma mort car il me serait impossible de vivre sans ton amour. Ce n’est pas ici une phrase toute faite, une banalité sans signification, c’est la vraie et sainte vérité comme je la sens dans mon cœur. Aussi, mon Toto, je défends pied à pied non seulement mon bonheur mais ma vie. Ce ne sera pas ma faute si je perds la partie, je t’en réponds.
Que fais-tu ce matin ? Que deviens-tu ? Qu’est-ce que tu feras dans la journée ? Tu m’as dit hier que tu ne pourrais pas me faire sortir aujourd’hui, aussi je ne me dépêcherai pas, quoique je voie le temps se lever, je reste dans mon lit pour économiser mon feu et pour faire la paresseuse. Je voudrais pourtant bien aller voir cette pauvre femme [1] mais enfin puisque tu ne le peux pas il faut bien que je me résigne. Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime qu’on vous dit et je vous défends les filleulesa.
Je vous permets moi, tant que vous voudrez mais rien au-delà ni autour, ni au-dessous, ni au-dessus ou je vous ficherai des coups.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 225-226
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « filleulles ».


27 février [1844], mardi soir, 9 h.

Je t’écris après mon dîner, mon Toto, parce que je n’ai pas voulu affamera plus longtemps ma pauvre servarde qui avait été de son côté chez Claire. Je te remercie, mon Toto, de ton beau mouvement de tantôt mais cependant je ne regarde pas cela comme une vraie sortie, c’était trop étriqué après quinze jours de retraite. Ça ne compte pas, je ne veux pas que ça compte. D’ailleurs vous me devez un fameux rabibochage pour le cadre [2] que vous vous êtes mis si adroitement sur l’estomac. Je vous préviens que vous n’en serez pas quitte à si bon marché que vous croyez et que vous me le paierez à tempérament sinon en tempérament. Vous regretterez plus de mille fois de vous êtreb laissé entrainéc à cette douce pente du bric-à-brac.
Taisez-vous, vilain monstre. Vous devriez mourir de honte si vous aviez le plus petit cœur. J’ai eu des nouvelles de ma pauvre péronnelle [3] qui attend le [9 mai ?] avec impatience. Du reste elle a toujours ses maux de tête et d’estomac. Elle travaille beaucoup à ce qu’elle me dit et sa lettre est très gentille. Tu la verras pour peu que cela t’intéresse.
En attendant, je t’attends, ce qui n’est ni très nouveau, ni très amusant. Bonsoir Toto je ne suis ni gaie, ni drôle, ni heureuse, cela se voit, de reste, n’est-ce pas ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 227-228
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « affammer ».
b) « êtes ».
c) « entrainer ».

Notes

[1Juliette fait référence à Mme Pierceau, gravement malade.

[2À élucider.

[3Nom donné à Claire Pradier.

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