16 janvier [1844], mardi soir, 8 h. ½
J’ai le cœur plein de tristesse, mon pauvre adoré, en pensant à cette malheureuse femme. J’aurais besoin de te voir pour dissiper le chagrin que m’a fait Mme Triger en m’apprenant la mort prochaine de cette pauvre, noble, digne et intéressante créature. Rien n’est plus pénible que d’assister à de pareilles souffrances sans pouvoir les soulager. Je viens de lui écrire pour lui demander l’heure à laquelle je puis aller à la voir. J’ai tâché de ne rien [percer ?] de l’inquiétude et de la tristesse que j’éprouve dans ma lettre. J’espère y avoir réussi.
Mais que je te remercie mon pauvre ange doux et miséricordieux, que je te remercie de ta générosité pour cette pauvre femme. Si tu savais avec quelle vénération je te regarde et je pense à toi, mon sublime bien-aimé, tu saurais combien et comment je t’aime. Sois béni, sois béni à jamais, mon cher adoré.
Aujourd’hui c’est la journée aux tristes nouvelles, à commencer par celles qui concernent la mère Lanvin. Ce soir j’ai une lettre de Mme Krafft qui probablement m’annoncera aussi quelque nouveau malheur. Je ne l’ai pas ouverte mais je le crains. Que le bon Dieu te préserve, mon bien-aimé, toi et tous ceux que tu aimes. Qu’il protège mon enfant et que sa volonté soit faite après. Je baise tes beaux petits cheveux, tes doux yeux, ta ravissante petite bouche, tes divines mains et tes chers petits pieds. Je t’aime, je t’aime à genoux.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16354, f. 59-60
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette