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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 novembre [1842], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé adoré. Bonjour mon amour chéri. Bonjour, je t’aime de toute mon âme, comment vas-tu ? Bien j’espère, et toute ta famille aussi. J’ai passé une assez mauvaise nuit, ce rhume de cerveau m’a beaucoup fatigué la tête et la gorge. Mais ça n’est pas inquiétant, quelques jours de malaise et voilà tout. Je vais me dépêcher de me lever et de m’habiller dans le cas où tu viendrais me prendre plus tôta que nous n’en sommes convenus hier. C’est un triste moment pour nous, mon cher adoré, pour toi à cause de la pauvre Didine [1], pour moi pour ce pauvre père que je ne reverrai peut-être plus [2]. J’espère que le bon Dieu aura pitié de nous tous et qu’il rendra le bonheur à Didine et à mon père le repos et la récompense d’une bonne vie et qu’il te conservera la santé et te donnera une longue vie heureuse. Je le prie tous les jours pour ça et pour que tu m’aimes toujours.
Tu as été bien bon et bien doux cette nuit, mon Toto. Je l’ai bien senti, va, et cela n’est pas perdu, mon adoré. Je ne peux pas t’en aimer plus, mon bien-aimé, parce que c’est impossible, mais cela redouble mon admiration et mon respect pour ta bonté ineffable. Je ne sais pas bien te dire tout ce que je sens, mais je t’aime, mon Toto chéri, au-dessus de toutes les plus belles phrases et de tous les mots les plus éloquents. Je t’aime comme jamais homme n’a été aimé et ne sera aimé après toi, j’en ai la certitude. Sois béni, mon Toto, sois heureux, je t’aime. À bientôt, mon adoré, à tout à l’heure, mon Toto chéri, je vais m’apprêter pour ne pas te faire attendre. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 231-232
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».


18 novembre [1842], vendredi après-midi, 1 h. ¾

Je suis prête, mon cher bien-aimé, et je t’attends depuis déjà une heure. Je crains que tu ne te laissesa aller aux affaires trop tard et que ce que tu m’as accordé hier si gracieusement, tu ne me le retires aujourd’hui en comptant trop sur la latitude que nous laisse la complaisance du portier et de la sœur de l’infirmerie. Enfin, que la volonté de Dieu soit faite, même aux dépens de ma tranquillité. Tu auras sans doute voulu faire toutes tes courses et recevoir toutes les visites avant de venir et probablement cela t’entraînera plus loin que tu ne voudras. Je t’avais pourtant bien prié, mon Toto, de ne pas mettre obstacle aux derniers devoirs dont je m’acquitte, mais il paraît que mes prières ne te touchent que dans le moment où je te les fais et que tu ne t’en souviens plus après. C’est bien triste à penser, mais tu me le prouves tous les jours. Puisses-tu ne jamais éprouver cette indifférence dans ceux que tu aimes, mon pauvre bien-aimé, car cela fait trop souffrir. Voilà déjà deux heures et tu ne viens pas, tu ne viendras pas avant trois heures et demi. J’ai un mal de tête fou et tout ce que je sens me fait mal.
Si j’osais dire tout ce qui me passe de désespoir par le cœur, tu en serais effrayé. Mais c’est qu’en vérité, depuis bientôt dix ans, Dieu sait ce que j’ai amassé goutte à goutte d’amertume et de découragement. Aujourd’hui mon cœur déborde, je ne peux plus le contenir, il faut que je dise et que je laisse voir combien je souffre et je suis malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 233-234
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « laisse ».

Notes

[1Léopoldine Hugo va se marier en février 1843, mariage auquel son père a consenti à contrecœur en juillet 1842.

[2L’oncle de Juliette, René-Henry Drouet, est gravement malade.

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