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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 décembre [1843], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Comment va ta pauvre tête ce matin ? Je sens par moi-même ce que tu dois souffrir car j’en ai un atroce ce matin et cependant je ne suis pas comme toi forcée de travailler. Mais, mon pauvre ange, je ne saurais trop le répéter, il faut te défier de ces maux de tête persistants et ne pas abuser de ton courage dans ces moments-là. Je voudrais savoir que tu as pris un peu de repos ce matin et que tu vas mieux. Si tu peux te dérober à tes occupations et à ta famille, mon Toto adoré, viens bien vite me dire comment tu vas et apporte-moi ta ravissante petite bouche à baiser.
Plus je pense à mon petit Toto [1], et plus j’admire ce qu’il a fallu de travail à ce pauvre enfant pour arriver à être premier. Pauvre cher enfant, il est bien ton digne fils pour tout. Ce n’est pas que je veuille déprécier mon grand Charlot, grand Dieu, mais Toto a sur lui l’avantage de dix-huit mois de maladie. Pauvre petit martyrea, c’est bien le moins qu’on en tienne compte de ces dix-huit mois de souffrance. J’espère que tu l’auras embrassé pour moi ce cher petit garçon sans en excepter Charlot et ma bonne petite Dédé qui reste toujours mon idéale de petite fille.
Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime vous plus particulièrement encore que tous victorieux sus nommés. Leur jeune museaub n’est pas plus frais ni plus jolic que le vôtre et leurs lauriers ne sont pas plus verts que les vôtres et vous avez sur eux l’avantage d’être mon Toto adoré, c’est-à-dire ce qu’il y a de pire au monde en fait de perfection de tous les genres.
Baisez-moi mon cher petit et ne me laissez pas trop longtemps inquiète de l’état de souffrance dans lequel je vous ai vu cette nuit. Et puis j’ai besoin de te caresser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 203-204
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « martyr ».
b) « leurs jeunes museaux ».
c) « jolis ».


24 décembre [1843], dimanche soir, 5 h. ¼

Tu m’oublies, mon Toto, et moi je pense à toi, je te désire et je t’aime. Tu sais que je suis tout à fait seule mon cher amour et que je n’ai pas même le plaisir de pouvoir parler de toi à personne. Tout cela, si tu m’aimes, doit te faire venir plus vite et pourtant voici la journée passée et tu n’es pas encore venu.
Il fait un temps affreux, prends garde de t’enrhumer. J’espère que ton mal de tête n’aura pas persisté cependant je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu.

7 h.

Quel ange tu es mon Toto. Je ne peux pas m’empêcher de le dire à toutes les lignes et je trouve que je ne le dis pas encore autant que tu le mérites, autant que je le pense et que je le sens. Sois heureux, mon Toto, sois béni, je t’aime. Pense à moi ce soir quand tu regarderas tous tes ravissants enfants. Regrette-moi et aime-moi.
Oui certainement j’aurais voulu vous voir marcher au violon [2] entre deux sergents de ville. Ce bonheur manque à mon existence mais j’espère que tôt ou tard vous serez repincé sérieusement. En attendant je regrette mon canard. Dépêchez-vous à me le rendre, j’en ai besoin pour ma consommation personnelle.
Tu sais que je suis seule, mon amour, tâche de venir plus tôt que d’habitude. Pense que c’est aujourd’hui dimanche et la veille de Noël et qu’il me faut un peu de bonheur pour faire mon réveillon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 205-206
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Violon (argot) : poste de police.

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