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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 décembre [1837], vendredi après-midi, 1 h.

Bonjour mon petit bien-aimé. Comment allez-vous ? Vous n’êtes pas venu. Je ne vous en veux pas. C’est tout ce que je peux faire pour vous. J’ai reçu une lettre de ma sœur [1] que j’ai lue. J’en ai une autre que je crois être de mon père [2] mais je ne l’ai pas ouverte pour vous obéir.
J’ai été un peu malade cette nuit. Je ne sais pas à quoi cela tient mais presque toutes les nuits je suis souffrante et je ne peux pas dormir. Cela tient à une cause, probablement. Je ne sais pas laquelle. Il [est] déjà bien tard mon petit Toto. Je voudrais bien vous voir. Si vous étiez bien avisé vous viendriez tout de suite. Si vous ne vous forcez pas un peu mon cher petit homme vous aurez tous les jours quelque chose qui vous empêchera de venir. Je ne veux pas recommencer mes doléances à ce sujet mais vous devez savoir que j’ai raison de vous parler ainsi.
Je vous aime mon cher petit Toto, c’est pour cela que je suis si tenace et si pressante dans mes sollicitations. Jour mon chéri, jour NONO. Je vous baiserais à mort si je vous avais dans ce moment-ci en ma possession. Vous ne savez jamais saisir les bons moments. Vous êtes une bête. À bientôt. Je t’aime, je t’aime qu’on vous dit, et de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 196-197
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


22 décembre [1837], vendredi soir, 6 h. ¼

J’ai beau m’occuper des affaires de ma maison, je ne peux pas m’empêcher de trouver long le temps où je ne te vois pas. Je suis très triste et un peu malade. Je voudrais l’être tout à fait parce qu’alors la sollicitude et la pitié te feraient venir plus souvent. Tu n’es presque pas venu hier, aujourd’hui cinq minutes, et demain tu iras sans doute à la représentation de Dumas ou de ton beau-frère [3]. Et tu veux que je ne sois pas triste et amère quand je pense que depuis quatre mois tu n’as pas eu une soirée entière à me donner ! C’est impossible, mon pauvre bien-aimé, et si j’étais indifférente sur ce changement de vie c’est que je ne t’aimerais pas. Le jour où je trouverai tout simple que tu ne viennes pas, ce jour-là nous pourrons nous considérer comme parfaitement libérés de cette atroce passion qui nous tient si fort au cœur, à moi du moins, car pour toi je te trouve d’un calme effrayant pour tout ce qui intéresse nos amours.
Je t’ennuie, je le sens bien sans pouvoir me retenir. Il faut absolument que je prenne sur moi de ne pas t’écrire du tout dans des moments comme ceux-ci. De cette façon je parviendrai à te cacher mes tourments. Je t’aime trop vois-tu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 198-199
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Renée, l’aînée de la fratrie.

[2René-Henry Drouet, son oncle qu’elle considère comme son père parce qu’il l’a recueillie orpheline et en partie élevée.

[3Le 23 décembre est programmé l’opéra-comique Piquillio de Dumas père et Nerval (créé le 31 octobre 1837 à l’Opéra-Comique). Le même soir, le drame Guillaume Colmann, ou les Deux Guides, par Paul Foucher, a sa première au Théâtre de la Porte-Saint-Martin.

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