Vendredi, 2 h. 20 m. après midi
Tu veux que je t’écrive une grande grande lettre, mon Toto. Je suis bien aise que tu le désires parce que j’avais moi-même besoin de t’écrire beaucoup, beaucoup.
Mon cher bien-aimé, ne t’inquiète pas si ton travail te retient loin de moi, je serai bien courageuse et bien patiente, tu verras. D’ailleurs, tu viens de me donner une ample provision de bonheur que je vais bien ménager pour la retrouver quand tu seras absent [1]. Et puis je vais bien penser à toi, ne m’occuper que de toi. Je vais travailler et étudier. Dans le cas où tu voudrais acheter ton étoffe aujourd’hui, je vais me tenir prête à sortir. Ainsi, mon petit Toto, ne te tourmentea pas, travailleb si tu as à travailler, voilà qui est bien convenu. Je serai bien résignée, je t’aimerai de toutes les forces de mon âme, je ne penserai qu’à toi, je ne m’occuperai que de toi, je te désirerai jusqu’à ce que je te revoie, et après t’avoir revu, je recommencerai tout ce que j’ai fait avec encore plus d’ardeur.
Voilà, mon cher petit Toto, comment ta petite femme se conduira pendant ton absence, il n’y a pas de quoi t’inquiéter beaucoup. D’ailleurs, tu verras bien par le nombre de baisers que je te livrerai que je ne me suis occupée en ton absence qu’à les amasser et les mettre en piles. Je t’aime, mon Toto. Viens le plus tôt que tu pourras.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 224-225
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tourmentes ».
b) « travailles ».