Lundi soir, 8 h. ¼
Mon cher bien-aimé, tu as été bien charmant tout à l’heure, à l’occasion de ma surprise. Je te remercie de l’accueila que tu as fait à mon cadeau [1]. J’étais si troublée tantôt que je craignais que tu fussesb mécontent de ma petite velléité de galanterie, et au contraire, tu as été plein de grâce et de bonté.
Cette fille n’est pas encore venue chercher cet argent. Je ne l’attends plus que demain, et je me propose de la tancer d’importance. La portière monte à l’instant me dire que Lafabrègue est venu tantôt et qu’elle lui a dit que j’étais à la campagne. Je lui écrirai pour qu’il vienne me parler, j’aime mieux cela, si tu n’y trouvesc pas d’inconvénients.
Mon cher bien-aimé, toutes ces choses tiennent sur le papier la place des tendresses que j’ai à te donner, mais elle ne sont pas perdues pour cela ni même différées. Aussitôt que je te verrai je m’empresserai de te les donner en paroles, en caresses, en amour. J’ai commencéd à lire la lettre que tu m’as apportéee. C’est une des mille voix dont le son arrive jusqu’à nous. Si tu pouvais entendre toutes celles qui t’admirent, qui t’exaltent, qui te bénissent, tu serais ému et enivré tout fort et tout grand que tu es. Je vais achever de la lire en attendant que tu viennes, elle fera une bonne et aimable diversion à l’affreux mal de tête qui m’obsède depuis ce matin.
Mais avant, que je te baise, quef je te dise que je t’aime et que je te rebaise encore une fois pour quand tu liras cette lettre avant de t’endormir.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 203-204
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « acceuil ».
b) « fusse ».
c) « trouve ».
d) « commencée ».
e) « apporté ».
f) Juliette semble avoir écrit « que que ».