Paris, 30 octobre [18]77, mardi matin, 10 h.
Bonjour, beau jour, bonheur, bon Tout amour. Comment la nuit ? la mienne très bonne ; je me porte comme un ange et je t’aime comme un diable. Tel est ce matin mon bulletin sanitaire. Je n’ose pas te demander de sortir tantôt, tant je te vois pressé de finir ton livre ; mais, si de toi-même tu me l’offrais, j’aurais, je crois, l’indiscrétion d’accepter. Pense à Rochefort. Pense aussi à me montrer les nombreux poulets dont tu combles tes cocottes. Ceci me fait souvenir que la même personne qui t’a envoyé plusieurs fois des couronnes mortuaires en commémoration de la mort de tes fils, et à laquelle tu as envoyé tes remerciements écrits, vient encore de renouveler son envoi avec une lettre signée seulement d’une initiale : C. F. ouvrière républicaine. Je crois me souvenir que c’est par Le Rappel que tu l’as remerciée une fois, et une autre fois par le porteur de la couronne. Cette fois il te sera difficile de le faire car je n’ai pas vu le porteur qui n’a donné d’ailleurs aucune explication à Henriette qui l’a reçu, ce qui prouve une âme bien délicate et bien vraiment désintéressée. C’est de l’admiration et de l’adoration pieuse comme à un Dieu. Je bénis cette noble femme de tout mon amour pour toi.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 294
Transcription de Guy Rosa