Guernesey, 4 juillet, [18]70, lundi matin, 11 h. ¾
Toutes voiles dehors et mes servantes [1] aussi pour ton service, mon cher adoré. J’espère que nous n’en serons ni pour nos frais ni pour notre courte honte et que nous mènerons à bien notre entreprise [2]. En attendant, le cabotinage de ton ex couque [3] a persisté jusqu’à présent au point de ne livrer les clefs que ce matin et d’avoir contremandé la bière. À cela près, la vieille scélérate est toute confite dans une douceâtre hypocrisie dont personne n’est dupe. Cependant je ne serai vraiment tranquille que lorsque je la saurai partie, partie, partie pour de bon. Jusque là je veille et je me défie. À propos, il paraît que ton ancienne soularde Anne [4] vient d’arriver et qu’elle se propose d’aller t’offrir ses services ! Ta débonnaireté rend toutes les audaces possibles. Moi même j’en abuse au point de t’en faire la remarque. Heureusement tu n’en tiens aucun compte, ce qui rabat un peu mon caquet et me Nivelle la Hulpe [5]. Sans compter que je sais que tu as passé une bonne nuit et Petite Jeanne aussi. Donc vive l’amour ! Quel bonheur !!!
BnF, Mss, NAF 16391, f. 182
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette