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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 10 déc[embre] [18]72, mardi matin, 8 h. ½

Je te décoche mon plébiscite de trois cent mille milliards de baisers ; paf ! Te voilà mon empereur à perpétuité de l’éternité ! En fidèle sujette que je suis, j’étais à mon poste avant le petit jour qui ne se lève plus qu’à sept heures et demi, le paresseuxa ! Quant au soleil, il ne se lève plus du tout, malgré la sommation du citoyen canon dont il se fiche. Loin de me plaindre de ma faction, guettant votre majesté, plus elle est longue et plus j’en suis heureuse en pensant que c’est autant de bon sommeil gagné pour elle. Oui, mon cher adoré, je ne trouve jamais le temps trop long à t’attendre et je voudrais pouvoir le prolonger pour te donner tout le repos dont tu as besoin. Je voudrais aussi pouvoir t’empêcher de venir sur ton toit chaque fois qu’il pleut, c’est-à-dire toujours depuis trois mois. J’y perdrais un des plus grands bonheurs de ma vie mais j’y gagnerais une grande tranquillité en supprimant le danger quotidien pour toi de te mouiller et de t’enrhumer. J’espère que tes tendres et chères imprudences ne nous ferontb pas repentir tous les deux, toi, de les avoir commises, et moi, de n’avoir pas su y résister. Je serais bien contente si tu avais des nouvelles de tes chers petits [1] aujourd’hui. J’en rêve presque toutes les nuits, cela me fait penser que tu oublies de faire le cadre de leurs portraits, ce qui nous prive tous du bonheur de les voir tous les jours. Le besoin de produire des chefs-d’œuvrec à toutd coup est tel chez toi que tu en oublies le besoin de vivre et d’être heureux comme tout le monde[[Hugo est venu à Guernesey pour écrire Quatrevingt-treize ?. Et tout en admirant et en vénérant ton abnégation sublime, on se sent porté à te plaindre en pensant à ce que tu dois souffrir à te retrancher les plus douces joies de ce monde. Pour moi, égoïste, je t’adore et je te bénis.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 340
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « paresseu ».
b) « ferons ».
c) « chefs-d’œuvres ».
d) « toup ».

Notes

[1Les petits-enfants de Victor Hugo, Georges et Jeanne Hugo, qui sont rentrés à Paris et dont Juliette déplore l’absence régulièrement.

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