Guernesey, 4 septembre [1872], [mercredi], 7 h. ½
Mon cher bien-aimé j’étais depuis hier soir dans une tristesse énorme après m’être aperçue que je n’avais pas ta lettre à ce pauvre Burty. Il m’est impossible de me rendre compte comment j’ai pu la laisser tomber chez toi sans m’en apercevoir. C’est probablement pendant le va et vienta de mon porte monnaie durant le jeu. Enfin je sais que Mme Chenay l’a retrouvée et te l’a rendue, ce qui me soulage d’un grand poids tout en restant très fâchée de mon étourderie à mon âge… !!!! Shoking, shoking, shoking je t’envoie tout de suite l’adresse exacte de ce pauvre malheureux père, c’est : Boulevard des Batignolles 11 bis. Pardonne-moi tout de même et aime moi encore plus pour me consoler de mon malheur. Comment as-tu passé la nuit et Petite Jeanne ? Soyez bénis tous les deux et les trois chers autres qui arriverontb ce matin. [1]
[Monsieur V. Hugo Burty boulevardc des Batignolles 11 bis]
BnF, Mss, NAF 16393, f. 244
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « vien ».
b) « arriverons ».
c) « boulevart ».
Guernesey, 4 sept[embre] [18]72, mercredi soir, 5 h. ¼
Que tu es bon, mon cher adoré, j’en suis toute attendrie et je voudrais baiser tes pieds. Loin de me gronder de mon étourderie, comme je le méritais, tu m’excusesa et tu me pardonnes avec tant d’ineffable douceur et tant de tendresse que cela me donne presque l’envie de recommencer. Mais le proverbe dit : qu’il ne faut abuser de rien, pas même de la bêtise, aussi je me contiens pour ne pas mettre trop souvent ta patience à l’épreuve. Tu auras eu bien peu le temps de penser à moi tantôt au milieu de tes joies de papa et de Papapa. Loin de t’en faire un reproche je m’en suis fait à moi-même un bonheur. Je me dépêche de te bâcler ma pauvre petite restitus afin d’être prête tout à l’heure. J’ai tenu à mettre ma maison en grand gala de propreté afin qu’elle continue de mériter le beau nom de Hauteville Féerie dont ton fils l’a baptisée [2]. J’espère y être parvenue. C’est à mon tour maintenant à me débarbouiller dare-dareb avant que tu ne viennes me chercher. Je t’embrasse au vol et je t’adore à genoux.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 245
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « m’excuse ».
b) « dar, dar ».