Paris, 27 juin [18]72, jeudi matin, 9 h.
Bonjour, mon grand bien-aimé, je t’aime et je te souris si tu as bien dormi comme je l’espère. Quant à moi je ne me vante pas de ma nuit c’est tout ce que je peux en dire de mieux. E. Allix doit venir aujourd’hui ou demain savoir au juste de quoi je me plains. En attendant je passe mon temps à écouter les pas qui vont et viennent dans mon mur ce qui n’est pas autrement effrayant. Sais-tu qui nous aurons à dîner ce soir ? Pour moi je n’en sais absolument rien et je trouve cela bête car il est inutile de faire des dîners qui ne sont pas mangés. Enfin, à tout hasard, je vais faire comme si tu attendais nombreuse compagnie. J’ai lu ce matin au petit point du jour le bel article de Catulle Mendès dans L’Avenir National, il est vraiment bien beau d’un bout à l’autre [1]. Je n’y critique que le mot embrassade qui me semble trop féminin pour une chose si mâle. Après ça ce qui choque mon ignorance est peut-être l’expression juste, je ne demande pas mieux ; tel qu’il est, cet article est un des plus enthousiastesa qu’on ait écritsb sur L’Année Terrible [2] et j’en aime l’auteur, toi, je t’adore, voilà la proportion.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 183
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « enthousiaste ».
b) « qu’on ait écrit ».