Guernesey, 2 juillet 1859, samedi matin, 9 h. ½
Cher adoré, je ne veux pas déjeuner avant d’avoir donné satisfaction à mon pauvre cœur qui pâtita du long jeûne que lui font toutes les misères de MON MÉNAGE. Aujourd’hui, je m’insurge et je me croise les bras comme la marche guerrière du citoyen Durand [1] : sauvons-nous, sauvez-vous… Je ne sais pas si tu comprendras ce FIN rapprochement entre ma prose et sa poésie, mais le malheur ne sera pas grand si ma pointe t’échappe. En attendant je t’aime à pieds et poings liés car je suis si courbaturée que je ne peux plus bouger. Heureusement que je n’ai pas besoin du secours de mon corps pour t’aimer de toute mon âme. Aussi, je m’en donne à cœur joie, du bon amour, et je t’aime par-dessus le mur, par-dessus les moulins, par-dessus tout, par-dessus le bon Dieu. Telle est ma force.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 153
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « pâtis ».