Guernesey, 31 décembre, [18]65, dimanche 7 h. ¾ du matin
Je prends mon parti de te dire bonjour à tâtonsa, mon cher bien-aimé, car je désespère que le jour se lève aujourd’hui. Voilà plus d’une demi-heureb que j’épie sans succès son premier bâillement et je n’ai encore rien vu. Je sais seulement que le canon a éternué son BUMjour [1], que ton pavillon n’est pas déployé [2] et que je t’aime toute âme dehors. Maintenant, comment as tu passé la nuit, that is the question. J’espère que les bons petits esprits qui t’aiment et qui te protègent auront fait bonne garde autour de ton lit cette nuit et que tu as dormi comme un bon petit noir à moi [3]. Je devance de vingt-quatre heures l’HORLOGE DES SIÈCLES pour te sauter au cou au nom du premier jour de l’an et je profite de l’occasion des étrennes pour te redonner mon amour sous toutes les formes et sous toutes les espèces. Je te souhaite tout ce que tu peux désirer en ce monde et je m’associe de cœur et d’âme à tout ce que tu désiresc dans l’autre. Je demande à Dieu de me donner tout ce qui peut augmenter ton amour pour moi en te rendant le plus heureux des hommes. Je le prie de ne jamais nous séparer dans la vie ni dans la mort. Je souhaite à tous tes chers aimés absents tout le bonheur possible. Je te souris et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 223
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « taton ».
b) « demie heure ».
c) « désire ».