Guernesey, 9 novembre, [18]65, jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, ne te réveille pas. Il est bon que tu répares ta mauvaise nuit d’hier et peut-être même celle d’aujourd’hui, car il t’arrive trop souvent maintenant de ne pas bien dormir [1]. Du reste il fait à peine jour, bien que le soleil ait la prétention d’être sur l’horizon. Quant à moi, dès que je t’ai envoyé des yeux et du cœur mon petit bonjour et que j’ai constaté la présence ou l’absence de ton cher petit signal [2], je vais me refourrer dans mon lit d’où je te gribouille mes observations philosophico, météorologico, bêbêtéofico. Cela donne le temps à mes servardes [3] de commencer le prologue de la journée. À propos, je viens de constater que je n’ai jamais eu la lettre de Vacquerie, ce qui explique la peine que j’ai eue à ne pas la déchiffrer. J’ai confondu probablement celle de Marie qui, elle aussi, à cause de son encre blanche et de la ténuité de ses pattes de mouches, n’est pas facile à lire. Mais ma curiosité n’en esta que plus surexcitée et je désirerais qu’elle te revînt sous la main et que tu me l’apportassesa. En voilà un d’imparfait du subjonctif ! Si vous n’êtes pas content vous êtes trop difficile. Quant à moi, je me donne un satisfecit complet. ATTRAPÉc !! Je vais aller voir si vous êtes levé parce que cela me tourmente de penser que tu as encore eu une mauvaise nuit. Mon bien aimé, je te souris, je te bénis, je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 170
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « n’est ».
b) « apportasse ».
c) « ATTRAPPÉ ».