19 avril [1842], mardi matin, 10 h. ½
Bonjour mon Toto chéri, comment toi et ton petit garçon [1] avez-vous passé la nuit ? Voilà un bon soleil qui va rétablir notre cher petit enfant tout de suite. Je voudrais bien qu’il pût rétablir en même temps nos anciennes habitudes ; fession de Bédouin, fession de Bédouin, fession de Bédouin [2]. J’en doute car je crois que vous y mettez peu de bonne volonté. Enfin, il me restera la même ressource qu’à Alcide Tousez [3]. Fession de Bédouin. En attendant que j’embrasse ladite profession, je veux vous baiser, non pas à MAURES mais à mort. Je ne vous lâcherai pas comme ça, soyez tranquille, la RITOURNELLE de notre couplet sera plus longue que la chanson toute entière. Fession de Bédouin, fession de Bédouin, fession de Bédouin indéfiniment jusque dans l’autre monde. À propos de l’autre monde, quand rendrez-vous ces deux mois retranchés, dites-vous, de votre…. existence mâle et femelle ? Je n’entends pas les perdre moi, je les veux tous les deux garnis de leurs plus brillants accessoires. J’ai trop longtemps été votre dupe, maintenant je ne veux plus l’être. Dès que Toto deuxième du nom sera sur pieds, je veux vous mettre sur les dents. Arrangez-vous là-dessus et chantez sur tous les tons la chanson de Jocrisse, je n’en démordrai pas d’une seconde, ainsi taisez-vous. Je vais envoyer Suzanne tout à l’heure chercher du bois. Je lui ai déjà donné les cinq francs d’appoint d’hier, ce qui ne m’empêchera pas de n’être pas au pair pour la dépense ce soir, à cause que n’ayant ni épiceries, ni vin à la maison, la dépense journalière est plus forte. Voilà, mon pauvre Toto, les nouvelles de mon ménage. Celles de mon cœur vous les connaissez, mon Toto chéri, c’est que je vous aime, que je vous désire, que je vous attends et que je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16348, f. 293-294
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
19 avril [1842], mardi soir, 11 h. ½
Mon cher bien aimé, ma pendule avance d’une heure [4] et j’ai eu ce soir la visite de Mme Pierceau, Franque et sa fille ; elles sont restées jusqu’à présent. Je viens de compter ma dépense et me voilà. Je voudrais savoir pourquoi tu n’es pas venu, mon adoré, quand tu sais combien je t’aime et combien j’ai hâte de savoir des nouvelles de notre cher petit malade [5] ? Te voici mon cher adoré, tant mieux. Je finirai ta lettre demain. J’aime mieux ça.
20 avril [1842], mercredi matin, 10 h.
Bonjour mes petits Toto bien aimés [6], bonjour mes deux petits bonshommes chéris. Comment avez-vous passé la nuit tous les deux ? Quela est celui de vous deux qui a le plus faim ce matin ? Je vous souhaite à chacun de vous trois douzaines de dindes farcies et rôties et je m’offre à vous aider, s’il est nécessaire, à les manger. Je vous aime, mes chers petits amis et je voudrais vous soigner et vous dorloterb tous les deux nuit et jour.
Comment vas-tu, toi, mon grand Toto ? Comment m’aimes-tu, mon amour ? Je te vois si peu que je n’ai pas même le temps de m’informer de ce qui m’intéresse uniquement au monde : ta santé et ton amour. Le peu de temps que je te vois, tu le passes à écrire et à lire et c’est à grand peine si j’échange deux ou trois paroles avec toi et si je t’embrasse une pauvre petite fois sur le seuil de la porte. Mon cher adoré, je sais bien que tu travailles, mon Dieu, je ne le sais que trop, mais je crois que tu pourrais venir un peu plus souvent et rester un peu plus de temps chez moi. Si je me trompe, je t’en demande pardon et je baise tes chers petits pieds. Pauvre adoré, c’est bien vrai que j’ai tort de te tourmenter avec mon amour quand je sais que toute cette nuit encore tu l’as employée à travailler. Mon Victor adoré, je te demande pardon, tu es plus qu’un ange.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16348, f. 295-296
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Qu’elle ».
b) « dorlotter ».