12 mars [1842], samedi, midi ¾
Quel bonheur mon adoré de dîner avec toi tantôt ! Il me semble que la joie me redonne la santé car depuis que je sais cela je crois que je suis plus forte et plus gaie que je ne l’ai jamais été. Quel bonheur !!!! Bientôt je crierai encore plus fort et plus haut : QUEL BONHEUR !!!!!!! Je vais me dépêcher bien vite de me guérir pour arriver plus tôt à ce moment-là [1]. Vous triomphez encore aujourd’hui, méchant homme, vous me faites manger du poulet à la place du pigeon mais n’espérez pas que votre malice noire ait un plein succès, car ce qui n’est que différé n’est pas perdu et dès que vous aurez le dos tourné je mangerai des pigeons en veux-tu en voilà [2]. C’est mon idée et l’ordonnance du médecin [3] et puis je ne veux pas vous céder, ia ia Monsire Matame il est son sarme. Baisez-moi, cher scélérat, soyez-moi fidèle et aimez-moi. Il fait un temps assez maussade, je voudrais déjà qu’il fît nuit pour voir votre chère petite figure rayonnante qui me donne tant de joie et tant de bonheur. C’est encore bien long d’ici à sept heures, surtout quand on compte les secondes et les minutes et qu’elles nous paraissent autant de siècles.
Je ne suis pas encore levée. J’attends que Suzanne soit revenue du marché et qu’elle ait allumé du feu dans le poêle parce que je ne peux pas encore rester sans feu. Dès qu’elle sera arrivée je me lèverai et cela me donnera des forces et de l’APPÉTIT pour ce soir. Jour Toto, jour mon petit O. J’espère bientôt déjeuner avec vous sans RÉGIME et tout à fait à INDISCRÉTION. Baise-moi, mon cher petit homme adoré, tu es mon Toto chéri toujours plus beau et toujours plus aimé.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16348, f. 155-156
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette