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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars [1842], vendredi après-midi, 3 h. ½

Je t’écris debout, mon adoré, mais sans la moindre force et je vais me recoucher tout de suite dès que je t’aurai écrit mon petit bout lettre. Je t’aime, mon Toto adoré, je t’aime plus que je n’ai la force et le temps de te le dire, je t’aime de toute mon âme. Il me semble que je ne me sens pas aussi bien aujourd’hui qu’hier, mais j’espère que ça ne sera rien et que demain je serai triomphante, mais en attendant j’ai bien des petites coliquailleries, bien de la faiblesse, bien des hauts et bas qui me gênent et m’ennuient [1].
J’ai vu Mlle Hureau comme tu sais qui n’avait rien de nouveau à m’apprendre et qui venait seulement pour savoir de mes nouvelles et pour dire à Claire de se tenir prête pour aller à confesse bientôt [2]. Du reste je n’ai vu personne et je ne verrai probablement personne d’aujourd’hui. Je serai toute seule avec votre pensée, ce qui est une fort bonne compagnie à défaut de votre chère petite personne en chair et en os. À propos de cela, je regrette presque que vous ne soyez pas le plus grippé des hommes, car c’est la seule occasion où je puisse vous AGRIPPER un peu et qu’elle n’a pas duré assez longtemps pour que j’en profite utilement [3]. Cependant vous avez encore du sirop de gomme, de la crème de riz, des épinards au sucre et des confitures, est-ce que cela ne vous sourit pas ? Je ne parle pas de moi, car je ne suis ni appétissante, ni attrayante, ni amusante dans ce moment ci quoique je ne vous aie jamais ni plus ni mieux aimé, mais cela ne suffit pas. Je croyais n’avoir personne et voilà que Mme Pierceau et Mme Krafft chacune de leur côté sont arrivées en même temps. J’ai jaboté un peu et maintenant qu’elles sont parties je finis ma lettre comme je l’ai commencée en vous aimant et en vous désirant de toute mon âme. Je voudrais savoir où vous êtes pour vous aller chercher et vous faire marcher un peu devant moi un peu vite, scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 149-150
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette a été malade au mois de février, elle entre seulement en convalescence.

[2Claire, qui depuis 1836 est en pension dans un établissement de Saint-Mandé, vit actuellement chez sa mère depuis le mois de janvier et ne sera de nouveau admise dans son pensionnant qu’au mois de mai.

[3Victor Hugo a été légèrement souffrant et Juliette se réjouissait de pouvoir à son tour « dorloter » son amant comme il a pu le faire pour elle. (Lettre du 3 mars)

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